L’histoire commence le jeudi 4 mai, quand une certaine Adriana Acosta-Cortez envoie un courriel au service « opinion » de l’Irish Times, le grand quotidien irlandais. Se présentant comme une Equatorienne vivant à Dublin depuis huit ans, elle propose un texte intitulé : « Il faut qu’on parle des faux bronzages. » Dans cette tribune, elle explique que la mode, très répandue en Irlande chez les femmes, de s’appliquer des crèmes autobronzantes serait de « l’appropriation culturelle » et une « fétichisation des hauts taux de mélanine chez les personnes pigmentées ».
Quatre jours plus tard, la nouvelle cheffe du service « opinion », qui vient de prendre ses fonctions, répond positivement par courriel, saluant un texte « original », « qui fait réfléchir ». Mais elle suggère quelques modifications et demande une photo ainsi qu’une courte biographie de l’autrice. « Adriana Acosta-Cortez » s’exécute, apporte les modifications mineures nécessaires et se présente comme « administratrice dans les services de santé, 29 ans, maman d’un chat, habitant dans le nord de Dublin ». Elle envoie aussi ce qui est censé être une photo d’elle, montrant une femme au visage rond et aux cheveux teints en bleu.
Jeudi 11 mai, la tribune est publiée et est très lue. Deux radios contactent même le quotidien pour obtenir les coordonnées d’« Adriana » et la faire débattre du sujet. Pour ajouter à la confusion, celle-ci répond en envoyant le numéro de téléphone… d’un clown qui propose ses services en Irlande.
« Supercherie délibérée et coordonnée »
« Adriana Acosta-Cortez » n’existait pas. « Elle » n’a pas non plus écrit l’article. La personne derrière la supercherie, dont l’identité demeure inconnue, s’était contentée d’utiliser un programme d’intelligence artificielle (IA) pour créer ce texte. Après un peu plus de vingt-quatre heures, l’Irish Times a fini par s’en rendre compte et a retiré l’article de son site Internet.
Deux jours plus tard, le dimanche 14 mai, son rédacteur en chef, Ruadhan Mac Cormaic, a publié un message d’excuses. « Jeudi, nous avons commis une grave erreur. (…) Moins de vingt-quatre heures après sa publication en ligne, l’Irish Times a découvert que cet article n’était peut-être pas réel (…). Il semble que l’article et la photo accompagnant la signature aient été produits, au moins en partie, par une technologie d’IA. C’était un canular. La personne avec qui nous avions correspondu n’était pas celle qu’elle disait être. Nous avons été victimes d’une supercherie délibérée et coordonnée. »
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