L’USDC, la cinquième cryptomonnaie la plus valorisée du marché, vient de survivre à un week-end infernal. Ébranlée par la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), la monnaie numérique a suscité la panique des investisseurs…
Il y a quelques jours, l’USDC, le stablecoin émis par la société Circle avec l’appui de la plate-forme Coinbase, a commencé à subir de sérieuses perturbations. Dans la nuit du 10 au 11 mars 2023, la cryptomonnaie a perdu une partie de sa valeur… ce qui est très inquiétant pour un stablecoin.
Pour rappel, un stablecoin est une cryptomonnaie indexée sur un actif considéré comme tangible, généralement une monnaie fiduciaire ou un métal précieux comme l’or. Actuellement, la plupart des stablecoins sont adossés au dollar américain, qui reste la principale monnaie d’échange à l’international. En théorie, la valeur d’un stablecoin doit toujours correspondre à celle du dollar. Elle ne doit pas fluctuer, comme celle du Bitcoin, de l’Ether ou d’une action boursière.
À lire aussi : est-ce bientôt la fin du krach des cryptos ? Ce géant français donne son avis
Le spectre de l’UST
Depuis quelques jours, ce n’est plus le cas de l’USDC, le second stablecoin le plus important du marché, derrière l’USDT. Le cours de la 5e cryptomonnaie la plus valorisée au monde s’est contracté sous les 0,90 dollar, provoquant un vent de panique dans tout l’écosystème. Ce week-end, les investisseurs ne pouvaient pas convertir leurs USDC contre de véritables dollars sans perdre une partie de leurs fonds. Ce décrochage met à rude épreuve la confiance des utilisateurs, toujours traumatisés par les décès brutaux de FTX, Celsius ou de l’UST.
La situation de l’USDC rappelle d’ailleurs à certains égards celle de l’UST. En mai 2022, le stablecoin de l’écosystème Luna, développé par Terra Labs, a brusquement perdu sa parité avec le dollar. La valeur de l’UST s’est effondrée en l’espace de quelques jours. Néanmoins, l’UST et l’USDC sont diamétralement différents. Pour garantir la stabilité de la valeur de l’UST, Terra Labs s’appuyait sur des algorithmes. Défaillants, ils ne sont pas parvenus à maintenir la parité du token avec le roi dollar, ruinant tous les détenteurs.
De leur côté, Circle et Coinbase garantissent la valeur de l’USDC grâce à des actifs placés en collatéral. Il peut s’agir de liquidités, comme des dollars, ou des bons du Trésor, émis par le gouvernement fédéral américain. Ces actifs sont stockés et gérés par des banques. C’est là que le bât blesse.
La faillite des banques US
Le décrochage de l’USDC a en effet été provoqué par les séismes qui secouent le système bancaire américain. En l’espace de quelques jours, plusieurs banques ont fermé leurs portes, à commencer par la Silvergate Bank, très proche du secteur des crypto-actifs. Peu après, la Silicon Valley Bank (SVB), la 18ᵉ plus grosse banque américaine, a également mordu la poussière.
Il s’agit de la plus importante faillite bancaire depuis la crise de 2008. Fondée en 1983, la banque a soutenu et financé plusieurs des géants de la Silicon Valley. Elle a notamment accordé un crédit à Apple à la fin des années 1980, et investi des sommes importantes dans des sociétés comme Airbnb, SpaceX ou encore Twitter. Avant sa fermeture, elle finançait près de la moitié des start-ups du secteur de la technologie aux États-Unis.
La Silicon Valley Bank a été victime d’une fuite de capitaux. Craignant une réaction en chaîne provoquant l’effondrement des banques, de nombreux clients ont retiré leurs avoirs de leurs comptes bancaires. Ces retraits massifs ont précipité la ruine de l’établissement. La banque s’est retrouvée incapable de rembourser toute sa clientèle au même moment.
« Les banques détenant une petite partie des dépôts en cash, SVB n’a plus assez de liquidités pour honorer les retraits », explique Mounir Laggoune, PDG de la société de gestion de patrimoine Finary, à 01Net.
C’est à ce moment-là que les régulateurs sont intervenus pour prendre le contrôle de la banque. Il s’est avéré qu’une partie des actifs détenus en collatéral par Circle, pour stabiliser l’USDC, étaient conservés par la Silicon Valley Bank. En marge de la faillite, l’émetteur de l’USDC a confirmé que 3,3 milliards de dollars étaient détenus par la banque au moment de l’effondrement. Dans un communiqué, la société explique que « l’USDC est actuellement garanti à 77 % (32,4 milliards de dollars) avec des bons du Trésor américain, et à 23 % (9,7 milliards de dollars) avec des liquidités détenues dans diverses institutions », dont la Silicon Valley Bank.
Ces collatéraux sont pour le moment inaccessibles, temporairement engloutis dans la débâcle de l’établissement bancaire. C’est ce qui a provoqué le décrochage de l’USDC au début du week-end. La déstabilisation du stablecoin a affecté plusieurs services de la finance décentralisée, dont le protocole Curve et le stablecoin DAI. Celui-ci a également perdu son ancrage, dans le sillage de l’USDC.
Retour à la stabilité ?
Face à la panique envahissant les marchés financiers, le gouvernement de Joe Biden a rapidement réagi. L’administration s’est lancée à la rescousse des clients de la banque. Toutes les entités lésées dans la faillite seront intégralement remboursées par les régulateurs américains. Les 175,4 milliards de dépôts détenus par SVB seront pris en charge par les États-Unis.
Circle va donc finir par récupérer les actifs qui soutenaient son stablecoin. Grâce à l’intervention du gouvernement américain, la société s’est engagée à stabiliser le cours de l’USDC. Dans la journée du lundi 13 mars 2023, tous les détenteurs d’USDC devraient pouvoir échanger leurs avoirs contre des dollars, sans encaisser la moindre perte. Pour stocker les collatéraux nécessaires, Circle va se tourner vers cinq autres banques, dont la Bank of New York Mellon (BNY Mellon).
« Les opérations de liquidité de l’USDC reprendront normalement lorsque les banques ouvriront lundi matin aux États-Unis », rassure Circle.
Dans son communiqué, Circle précise aussi maintenir « des comptes de transaction et de règlement pour l’USDC avec Signature Bank ». Malheureusement pour la start-up, cette banque américaine a également mis la clé sous la porte. Les régulateurs ont fait fermer la Signature Bank pour « protéger l’économie américaine ». Il s’agissait de la 21ᵉ plus importante banque des États-Unis, avec 110 milliards de dollars d’actifs en gestion. Coinbase, la plate-forme d’échange derrière le projet USDC, affirme avoir momentanément perdu 240 millions de dollars. Là encore, tous les fonds perdus seront remboursés par le gouvernement de Joe Biden.
As of close of business Friday March 10 Coinbase had an approximately $240m balance in corporate cash at Signature. As stated by the FDIC, we expect to fully recover these funds. https://t.co/XY5L7m4RMs
— Coinbase (@coinbase) March 12, 2023
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le cours de l’USDC s’est fortement rapproché de celui du dollar. Un USDC vaut désormais 0,99 dollar, ce qui corrobore les promesses de Circle. À ce stade, tout porte à croire que le stablecoin a survécu à une crise majeure. Les faillites à répétition du système bancaire américain restent néanmoins de mauvais augure pour l’ensemble du marché des cryptomonnaies…