La blockchain n’est pas une nouveauté en termes de technologie et GreenSI s’y intéresse depuis 2015. Cependant, en termes d’usages, on y est toujours, car peu ont décollé, à l’exception de la plateforme du Bitcoin et du développement des cryptomonnaies. Alors quand Vitalik Buterin, fondateur de la plateforme Ethereum rivale du Bitcoin, se met à rêver de « Crypto cities« , GreenSI ne pouvait pas ne pas s’y intéresser le temps d’un billet.
Le moment de cette communication de Vitalik n’est bien sûr pas laissé au hasard.
Nous sommes en plein buzz sur les « métaverses« . D’ailleurs, depuis le dernier billet de GreenSI (Métaverse, nouvelle branche de l’Internet) Niantic (éditeur du jeu PokemonGo) a annoncé le sien et Playstation Home, univers virtuel sur Playstation arrêté en 2015, a été relancé par ses fans dans sa mouture d’origine. Sans compter qu’en France le sujet est même passé dans le grand public au journal de 20 h et le débat pour savoir si on écrit Métavers ou Métaverse bat son plein !
Dans ces possibles univers virtuels en construction, il faudra des plateformes pour gérer les échanges, la certification de la propriété ou la valeur des actifs. Les plateformes de blockchain comme Ethereum sont donc sur le front de la communication pour que l’on pense à elles ; quand de nouvelles plateformes se créent chaque semaine pour répondre à l’engouement pour les NFT. Mais n’oublions pas que lors de toutes les ruées vers l’or, ce sont toujours les vendeurs de pioches qui ont fait fortune en premier…
Cependant, derrière ce buzz du moment pour ces univers virtuels, poussés par des vendeurs de pioches, il y a des questions et des visions pertinentes pour les villes bien réelles qui investissent dans le digital pour devenir intelligentes. Notamment une nouvelle façon d’organiser la gouvernance locale : le comité de quartier, le conseil municipal et les marchés locaux, à l’ère de la blockchain !
Le premier enseignement que l’on peut tirer de la blockchain est celui de la décentralisation et de la possibilité d’avoir des organisations autonomes décentralisées. Le bitcoin est né de cette idée de ne pas avoir de banque centrale pour gérer une monnaie et ces dernières courent toujours derrière depuis 12 ans. À l’échelle d’un territoire, c’est une évidence avec la décentralisation des responsabilités et des compétences, même si en fonction des pays et particulièrement en France, le pouvoir central garde toujours une certaine influence, pour ne pas dire une influence certaine.
La blockchain est donc un bon candidat pour outiller une organisation autonome décentralisée (DAO en anglais) et donc l’idée d’une ville s’appuyant pour ses services sur une blockchain semble intéressante de premier abord.
On peut alors se poser la seconde question propre à cette technologie, qui est celle de l’intérêt d’un registre partagé au sein d’une gouvernance locale d’une ville. C’est ce registre, certifié en permanence par ses acteurs, qui procure la confiance et certifie les transactions et amène a posteriori la preuve.
En ce moment, on pourrait comparer la lecture de ce registre à l’application mobile des Cafetiers, qui, en scannant votre QR code vérifient la validité de votre pass sanitaire (même si ce n’est pas une blockchain qui est utilisée). La blockchain permet cette traçabilité et protège de la falsification.
D’ailleurs, c’est bien autour d’une blockchain européenne que l’université de Lille est engagée dans un projet de certificat vérifiable pour les diplômes. Un registre partagé des diplômes, facilement consultable par tous et géré de façon décentralisée est donc une illustration de ces registres qui demain pourraient structurer la gouvernance des territoires s’appuyant sur ces plateformes.
Dans les idées de registres qui pourraient fleurir, ou que certaines villes expérimentent déjà, on trouve bien sûr ce qui a trait au marché de l’art où par exemple des versions numériques authentiques des sculptures et monuments des villes sont mis en vente et dont l’authenticité est certifiée par un NFT. C’est un peu l’idée de la plaque sur le banc de la place de village (« en hommage à M& Mme Dupont »), ou celle de remerciement dans l’église, financés par des habitants ou un collectif, mais à grande échelle. Ces œuvres propriétés privées, pourront alors aller se faire admirer dans l’un des métaverses.
Mais ce peut être également des plateformes de votes ouvertes au service des décisions locales, des monnaies locales reposant sur des jetons d’une blockchain (CityCoins.co), ou des plateformes d’identité ou de preuve de résidence. Sur ce dernier cas d’usage, l’Estonie a montré la voie, il y a déjà longtemps, y compris dans une gestion des données personnelles très avancée, et bien avant le RGPD (voir De l’identification au consentement).
Un des projets détaillé par Vitalik Buterin et reposant sur une plateforme Ethereum est celui de CityDAO (pour decentralized autonomous organization) qui vise à créer une nouvelle ville dans le Wyoming (États-Unis) avec un statut légal, qui reposera sur de nouveaux mécanismes pour taxer, allouer les terrains, prendre des décisions collectives ou gérer les ressources. Un scénario digne de la ruée vers l’ouest 😉
On voit donc que la blockchain pourrait être utilisée comme base de fonctionnement de nouveaux processus collaboratifs et participatifs à l’échelon local. Mais cela implique une compréhension de ces mécanismes par les habitants.
Dans le cas de villes réelles en transformation cela veut dire un effort de pédagogie et de conduite des changements important auprès des populations. En revanche, dans le cas de nouveaux projets comme CityDAO, les habitants qui rejoindront la ville, viendront eux même sur ce terrain neuf et auront choisi dès le départ une gouvernance nouvelle sur la base de cette technologie. Et puis si finalement ils ne sont pas heureux ils pourront la quitter.
La question de la blockchain n’est donc pas qu’une question de choix technologique, mais surtout de changement.
Un projet comme CityDAO est impensable en France où les notaires, qui contrôlent la certification de la propriété du foncier, ont juste découvert l’an dernier la signature électronique quand la Covid avait freiné les déplacements. Et encore il s’agit uniquement de la signature électronique des procurations, qui permettent ensuite à un clerc de signer les actes authentiques, bien au chaud dans son étude. Alors ne nous emballons pas, il n’y aura pas d’ouverture de ce monopole, ni de technologies trop avancées sur les actifs fonciers, avant des décennies en France !
Et c’est certainement pour cette raison que le déploiement de la blockchain n’est pas si facile, car malgré des idées qui fusent, il y a peu de nouveaux cas d’usages qui émergent de façon opérationnelle, car ils remettent en cause les équilibres établis.
De plus, en Europe, pour des questions de souveraineté sur de nouveaux usages publics, il y a un frein supplémentaire : le fait que la majorité des plateformes opérationnelles de blockchain soient américaines (mais on trouve en revanche de la technologie en open source).
À l’instar de la prise de conscience des enjeux à moyen terme sur la souveraineté des Clouds, et donc de la taille des fournisseurs européens et de la technicité des offres qu’ils proposent, il y a clairement un enjeu d’avoir des plateformes de crypto ou de blockchain européennes. Car si un usage d’une gouvernance locale se développe et devient incontournable, la gouvernance locale pourra alors être influencée par la gouvernance de la plateforme elle-même.
En conclusion, la technologie blockchain peut contribuer fortement à rendre plus transparents (donc plus démocratiques), et surtout vérifiables, des processus de gouvernance locaux ou en imaginer de nouveaux en créant de nouveaux actifs virtuels, et pourquoi pas repenser les fondements des villes comme la propriété des terres et des actifs rares. Mais ces futures Crypto Cities semblent encore bien loin, compte tenu des efforts de conduite des changements à produire pour passer d’une plateforme (notre gouvernance actuelle) à une autre basée sur la blockchain.
Ceci donne un avantage à ceux qui créent en partant de zéro, et rappelons-nous d’ailleurs que l’Estonie a quitté le bloc soviétique il y a 30 ans et est partie de zéro quand elle a dû créer rapidement les principes de gouvernance de son autonomie, en faisant le choix de reposer en partie sur le numérique. Un constat que tout les DSI font également dans les grands projets de refonte informatique où le scénario de la table rase a de bien nombreux avantages. L’innovation née souvent quand on abandonne une vielle croyance.
Et si vous voulez vraiment lancer un projet demain… vendez des pioches !
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