La crise continue de déplacer les lignes.
Cette semaine, GreenSI prends le prétexte de l’acquisition de Talentsoft, spécialiste de l’expérience employée, par Cegid, un acteur traditionnel de l’ERP et 4ᵉ éditeur français, pour faire le point sur le SI dans le domaine des ressources humaines (SIRH).
En 2015, GreenSI titrait « SIRH: la transformation digitale au point mort ? » en faisant le constat d’une prise en compte mitigée du digital dans les RH, quand les autres directions, clientèle et commerciale en tête, étaient bien engagées dans des chantiers ambitieux. Et de se demander si l’horloge du SIRH ne s’étaient pas arrêtée 10 ans avant, à l’automatisation des bulletins de salaires, voire timidement à la gestion des formations, mais toujours dans une vision administrative et productiviste, limitée à l’ERP.
Pourtant, le numérique a dopé le potentiel de transformation de l’entreprise. Il est capable de créer plus facilement des canaux de relations, d’interagir sur les canaux externes comme les réseaux sociaux, de produire du contenu et de la connaissance pour les salariés, de créer de l’expérience employée ou de se préoccuper de l’efficacité ou du moral de ces salariés au travers du numérique. Les ressources humaines pourraient aussi aider les salariés à assurer leur sécurité et leur aisance dans l’usage du numérique, comme elle le fait dans les usines et les entrepôts avec les EPI (Équipements de protection individuelle, notamment les casques ou lunettes de protection) quand il n’y a pas une direction dédiée à la sécurité.
En 2015, l’impression générale du numérique dans les RH est donc celle d’un angle mort autour du salarié et de son expérience employée. Depuis, de nombreuses startups ce sont engouffrées dans cette brèche pour rénover ces processus où l’expérience est clef, comme le recrutement, l’accueil des embauchés, la gestion des notes de frais et bien sûr la gestion des talents.
D’ailleurs, GreenSI se demandait dans un autre billet, toujours en 2015, si DSI et DRH ne devaient pas se rapprocher dans un mariage de raison. Les deux directions sont en relation avec les salariés, l’une sur le plan administratif et contractuel, l’autre sur le plan des outils numériques, de plus en plus importants et répandus. Cinq ans plus tard, c’est la mise en place d’espaces et d’outils collaboratifs, du flex office et l’accompagnement des salariés dans la transformation digitale, qu’ils ont en commun. La question de leur articulation est toujours aussi brulante.
En 2020, la crise a renforcé le numérique dans les entreprises qui n’ont pas fermé, et notamment dans la fonction RH qui a dû accélérer sa digitalisation pour répondre aux réalités pratico-pratiques de la signature de contrats à distance, du partage de données personnelles, et dans le meilleur des cas, de la gestion de coffre-forts en ligne. Le moindre faux pas ouvrant des brèches aux usurpateurs d’identité, en leur fournissant sur un plateau des données à exploiter.
La crise va aussi renforcer le numérique chez ceux qui ont peaufiné leur réouverture pour mettre en place des protocoles sanitaires à l’échelle (QRcode, réservations, ….).
Et puis le numérique s’est également renforcé dans les foyers des salariés avec le télétravail, au point de faire baisser le prix des logements mal raccordés à internet, en fixe et même en mobile. La bande passante est devenue un critère d’achat d’un bien immobilier et un lien potentiel avec son travail.
Enfin, le focus s’est renforcé sur la protection des salariés, qu’elle soit physique pour leur santé, ou numérique avec des cyberattaques dont ils sont devenus la cible privilégiée et le vol de données personnelles simplifié par l’utilisation de l’email pour faire transiter ces données.
C’est donc dans ce contexte qu’il faut analyser l’acquisition par Cegid de la jeune pousse Talentsoft (listée en 2019 au Next40 des startups françaises à potentiel). Les SIRH vont devoir massivement se moderniser.
C’est également dans le contexte de la montée en puissance du Cloud. Le chiffre d’affaires de Talentsoft de 80M€, représente 16% des 500M€ de CA de Cegid. Mais c’est un chiffre d’affaires quasi 100% en SaaS, contrairement à Cegid qui réalise de l’ordre de 160M€ en SaaS. Le CA de Talentsoft est donc 50% du CA SaaS de Cegid. Talentsoft va donc permettre à Cegid d’augmenter son SaaS de l’ordre de 33%, ce qui pour Truffle 100 – classement des éditeurs français – est le facteur de croissance principale des éditeurs.
L’objectif de Talentsoft depuis sa création en 2007, c’est de créer le futur des RH, en offrant en SaaS une plateforme de transformation des talents et de leur expérience au travail, allant jusqu’à matcher les aspirations des salariés avec les opportunités offertes par l’entreprise en termes de projets, de postes et de formations. La vitesse de sa croissance et son rachat par le spécialiste de la gestion administrative, est le signe du développement de la transformation du SI RH et avec lui des opportunités pour la DRH.
De plus, la transformation digitale des RH s’est poursuivie, au-delà de la digitalisation des processus, avec l’exploitation des données, et même les débuts du développement de l’intelligence artificielle. Le tri automatique des CVs, le recrutement prédictif, la catégorisation automatique et intelligente des parcours de collaborateurs en regard du référentiel de compétences, intéressent les DRH. On est bien dans le domaine des gains de productivité, de la simplicité, et de l’efficacité, amenée par des assistants intelligents au service des RH.
Le SIRH illustre donc la création de valeur en dehors de l’ERP, et du cœur du système de gestion administrative des salariés.
Dans la plupart des entreprises, c’est pourtant lui qui consomme certainement la majorité des ressources SI affectées au domaine RH, Et parfois l’ERP, au sens plateforme intégrée de gestion des ressources de l’entreprise, n’est même que virtuel, composé d’un ensemble de solutions non connectées entre elles, qui consomment encore plus de ressources pour leur intégration. Un rééquilibrage qu’il sera alors essentiel de réussir pour dégager des marges de manœuvre et pouvoir investir dans ces nouveaux domaines, en dehors de l’ERP, essentiels à la transformation digitale.
Pour GreenSI, l’enjeu de ces prochaines années pour la DSI, est de réconcilier ces deux mondes, et de ne pas voir l’avenir des RH uniquement au travers du prisme de l’ERP. En tout cas Cegid n’y croit plus.
___________________________________________________________
Laisser un commentaire, c’est faire avancer le débat !
Vous pouvez aussi engager le dialogue sur Twitter : @fcharles
(function(d, s, id) { var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) return; js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "//connect.facebook.net/fr_FR/all.js#appId=243265768935&xfbml=1"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs); }(document, 'script', 'facebook-jssdk'));