Les études consacrées à l’intelligence artificielle sont pléthoriques, plus encore certainement depuis le début de la vague GenAI et l’arrivée de ChatGPT, outil de démocratisation massive des usages. Manque parfois un peu de nuances dans le panorama dressé par ces différentes études.
De la nuance, c’est peut-être ce que s’efforce d’apporter Bpifrance Le Lab dans un sondage réalisé auprès de plus de 1200 dirigeants de PME et ETI françaises.
Si les grands groupes, avec leurs moyens, avancent sur l’adoption et en témoignent, les choses sont souvent difficiles pour les entreprises de petite ou moyenne taille.
Pas de baguette magique, mais un défi de taille
Le lab de la banque d’investissement le constate d’ailleurs : “la réalité des PME et ETI françaises sur le terrain est plus nuancée” en matière d’IA. Or, ces organisations constituent l’essentiel du tissu économique français. En clair, faire de la France un pays référent sur l’IA passe nécessairement par une adoption par les PME et ETI.
Mais voilà, “loin d’être une baguette magique, l’IA représente un défi de taille que ces entreprises ne peuvent relever que sur le long terme.” Pour une majorité de dirigeants interrogés, il est pourtant critique de se saisir du sujet.
En effet, 58% estiment que l’IA constitue une question de survie à 3-5 ans. La prise de conscience à l’égard de l’IA et de son impact sur les entreprises et leur activité est au rendez-vous. Mais entre prise de conscience et passage à l’action, se dresse un fossé à franchir.
Un passage à l’action réel, mais hésitant
Pour le Lab de Bpifrance, certes le passage à l’action “est réel”. Néanmoins, il reste “encore hésitant.” Ainsi, 43% des répondants ont défini une stratégie IA. C’est un point de départ. Pour autant, seuls “26% utilisent une IA générative, 16% une IA non générative, et seulement 10% utilisent les deux.”
Ces chiffres sont une moyenne. Les différences sectorielles sont prononcées. Les secteurs des TIC, de la finance et des assurances sont les plus actifs. En revanche, stratégie et usages sont “plutôt bas dans la construction et les transports.”
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas toutes prêtes aujourd’hui à mettre de l’argent pour accéder à l’IA ou à s’attaquer à des cas d’usage spécifiques. De fait, parmi les utilisatrices d’IA, générative et/ou non générative, “la moitié utilise exclusivement des solutions gratuites ou prêtes à l’emploi.”
Optimiser l’existant plus que crée de la valeur
“L’optimisation de l’existant, l’amélioration des performances, le maintien de la compétitivité et la réduction des coûts, sont la principale motivation des dirigeants. Ils voient moins, à ce stade, en quoi l’IA peut leur permettre de développer leur activité”, précise l’étude de la Bpi.
Les dirigeants donnent clairement la priorité à l’optimisation de l’existant. En ce qui concerne l’adoption de “solutions sur mesure créatrices de valeur”, le mouvement n’a pas encore été amorcé au sein des PME et ETI.
Pour les auteurs de l’étude, l’adoption est “freinée par le manque de maturité de l’offre, des coûts jugés élevés (1er frein cité par les dirigeants) et des applications difficiles à identifier.” Mais cet état des lieux s’explique aussi par un retard sur le simple pilotage par la donnée.
L’usage du dirigeant influe sur le cap de l’entreprise
De fait, l’étude conditionne l’adoption de l’IA à des “sous-jacents indispensables”, comme la digitalisation, une stratégie data (collecte et structuration de données), l’identification de cas d’usage avec leurs impacts économiques, ou l’implication des équipes.
Pour enclencher une montée en maturité, la posture des dirigeants est critique. Or, tous ne sont pas égaux. “Face à l’adoption de l’IA, des inégalités apparaissent selon le genre, la formation et l’âge”, relève l’étude.
Comme sur la GenAI, “plus le dirigeant est jeune et formé, plus il utilise à titre personnel les outils”. Mais surtout, “plus son entreprise est avancée dans l’adoption de l’IA.” Les dirigeants se répartissent ainsi en 4 catégories.
27% de sceptiques pour 19% d’innovateurs
Les « Sceptiques » (27% des répondants) sont des réfractaires à l’IA. Les « Bloqués » (26%) ne sont pas hostiles, mais “paralysés par un manque de compétences, de formation ou de soutien, les empêchant d’agir.”
Les « Expérimentateurs » (28%), ouverts à l’IA, encouragent son exploration mais se heurtent à des contraintes financières et à un manque d’expertise interne pour entreprendre son déploiement à grande échelle.
Les « Innovateurs », le plus petit groupe de dirigeants (19%), se trouvent à la tête d’entreprises hautement digitalisées. Ils maîtrisent “personnellement les concepts avancés de l’IA, formant activement leurs employés et intégrant l’IA tant dans leurs processus que dans leurs produits.”
Une révolution IA tranquille, mais néanmoins profonde
Autres constats : la construction et le transport, les secteurs les moins avancés, sont sur-représentés parmi les « Sceptiques ». Le commerce compte le plus de « Bloqués ». A l’industrie les « Expérimentateurs » et aux TIC et services les « Innovateurs ».
Les femmes sont sur-représentées parmi les « Sceptiques », et les hommes sur-représentés parmi les « Innovateurs », mesure encore l’étude. Même si les dirigeants politiques multiplient les prises de parole en faveur de l’IA, la transformation économique prendra du temps.
Pour les auteurs de l’étude, l’adoption de l’IA par les PME et ETI françaises “s’annonce comme une révolution tranquille, mais néanmoins profonde.” Et si les avancées technologiques sont là, elles “ne doivent pas faire oublier les aspects économiques”. Retour au pragmatisme.