Pavel Durov est un ascète. Du moins aime-t-il se présenter ainsi. Interrogé sur ses revenus pendant sa garde à vue, fin août, le cofondateur de la messagerie Telegram – qui promeut une vie sans café, ni alcool, ni viande, ni produits laitiers, ni médicaments, agrémentée de bains glacés matinaux et de méditations dans le désert – a déclaré aux enquêteurs percevoir seulement « 1 dirham » émirien par an. Soit moins de 25 centimes d’euros. De quoi laisser perplexes ses interlocuteurs.
Car, s’il ne se verse qu’un salaire quasi nul, le PDG de Telegram est multimilliardaire. Outre les quelque 300 millions d’euros qu’il avait tirés, en 2014, de la vente de ses parts dans le réseau social russe VKontakte, M. Durov possède surtout l’intégralité des parts de Telegram, valorisée par plusieurs fonds d’investissement à près de 30 milliards de dollars (environ 27 milliards d’euros), selon les dires de M. Durov au Financial Times, en mars. Dans ce même entretien, il concédait cependant que sa messagerie, pour laquelle une introduction en Bourse était prévue sous un an, n’était pas encore rentable. De quoi alimenter le flou sur sa surface financière personnelle, évaluée entre 9 milliards et 15,5 milliards de dollars, selon les sources.
L’étendue de sa fortune – et surtout des fonds qu’il est en mesure de mobiliser rapidement – est pourtant un élément-clé pour la justice. Au terme de sa garde à vue, le 28 août, la justice a dû établir pour M. Durov, détenteur de passeports français, russe et émirati, un cautionnement d’un montant suffisant pour s’assurer qu’il ne fuirait pas le territoire français. Le milliardaire venait de s’être vu signifier sa mise en examen pour douze infractions liées à la quasi-absence de coopération de Telegram avec les autorités judiciaires dans des affaires d’escroquerie ou de diffusion d’images pédopornographiques.
Vente aux enchères à Dubaï
Selon nos informations, le parquet de Paris demandait que le cautionnement soit établi à 20 millions d’euros, accompagné des mesures habituelles de contrôle judiciaire, comme le pointage régulier en commissariat, l’obligation de rester en France et de déclarer ses changements de domicile. Finalement, le juge a baissé la somme à 5 millions d’euros. Lors d’un rare entretien accordé à l’animateur conservateur américain Tucker Carlson, en avril, M. Durov avait expliqué ne posséder aucun bien immobilier, et conserver sa fortune personnelle dans plusieurs banques et en cryptomonnaies.
Malgré le flou sur sa fortune, les 5 millions d’euros de cautionnement fixés semblent très faibles au regard des factures et des témoignages rassemblés par Le Monde. En 2023, M. Durov avait misé un montant supérieur – environ 8,5 millions d’euros – pour tenter d’obtenir une plaque d’immatriculation personnalisée dans une vente aux enchères caritative à Dubaï, où il réside principalement depuis 2019. Plaque qu’il n’a cependant pas obtenue. Son offre a été battue par un acheteur anonyme.
Il vous reste 64.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.