Un chèque de 717 millions d’euros et une montée fracassante au capital. La France s’offre les commandes d’Eutelsat, l’un des rares opérateurs mondiaux à détenir une constellation de satellites en orbite basse. Résultat immédiat : le titre s’envole de 20 % à la Bourse de Paris, confirmant une ascension spectaculaire de 50 % depuis le début de l’année.
Ce virage stratégique a été officialisé jeudi soir, avec l’annonce d’une augmentation de capital de 1,35 milliard d’euros, à laquelle l’État français participera à hauteur de plus de la moitié, via l’Agence des participations de l’État (APE).
La France, qui détenait jusqu’ici 13 % d’Eutelsat, passera à près de 30 %, devenant l’actionnaire principal de ce géant spatial européen. Une montée en puissance justifiée par la nécessité de préserver une souveraineté technologique et militaire dans un domaine de plus en plus stratégique.
Pourquoi l’État mise autant sur Eutelsat
À première vue, il s’agit d’un investissement industriel ambitieux. En réalité, c’est une manœuvre de souveraineté en pleine ère de tension géopolitique. Face à Starlink, le mastodonte d’Elon Musk qui représente à lui seul 60 % des satellites en orbite basse, la France veut renforcer son autonomie dans les télécommunications spatiales.
Eutelsat, qui s’est allié à OneWeb, est aujourd’hui le seul acteur non américain et non chinois à pouvoir proposer un réseau de satellites LEO (Low-Earth Orbit) d’envergure. C’est précisément ce que souligne Emmanuel Macron sur X : « En renforçant le capital d’Eutelsat, le seul acteur européen des constellations en orbite basse, la France assure son indépendance stratégique et prépare celle de l’Europe ! »
Cet investissement est aussi une réponse concrète aux besoins militaires. Un contrat cadre de 10 ans, pour un montant pouvant atteindre 1 milliard d’euros, a été signé avec le ministère des Armées pour le programme Nexus, destiné à compléter les satellites géostationnaires Syracuse.
Une ambition européenne face aux géants américains et chinois
Eutelsat ne compte pas s’arrêter là. L’objectif assumé est de devenir l’ »Airbus européen des satellites ». Un projet qui pourrait aussi séduire d’autres partenaires européens comme l’Allemagne, actuellement absente du capital. La promesse : porter un projet commun d’infrastructure spatiale indépendante, capable de rivaliser avec les réseaux américains et chinois.
Pour l’opérateur français, cette bouffée d’oxygène financière est aussi un levier de développement. La direction vise un chiffre d’affaires stable pour 2025-2026, et prévoit de lancer une nouvelle génération de satellites LEO d’ici la fin de la décennie. Mais ce plan est ambitieux : il nécessiterait trois fois plus de satellites que prévu, pour un coût total estimé à 2,2 milliards d’euros.
Quels enjeux concrets derrière ce changement de cap stratégique ?
Au-delà des chiffres, ce virage marque une nouvelle ère pour le spatial européen. La France veut reprendre la main, à la fois sur le plan militaire, industriel et technologique.
En injectant près d’un tiers du capital dans Eutelsat, elle s’assure non seulement une voix prépondérante au conseil d’administration, mais aussi une capacité d’influence stratégique à long terme.
Cette bataille des constellations ne fait que commencer. Pour Eutelsat, il faudra plus que des promesses pour tenir tête à Starlink. Mais avec la France à ses côtés, le groupe entre dans une nouvelle dimension. Le pari est lancé.