Lors de la ruée vers l’or en Californie, en 1849, les rares à faire fortune furent les marchands de pelles et de pioches et la Wells Fargo, qui conservait l’or des prospecteurs. Pour les cryptodevises, l’or du XXIe siècle digital, un pari analogue pouvait être tenté : ceux qui s’en sortiraient seraient les plates-formes d’échange, qui prélèvent de juteuses commissions lors de chaque transaction, et les « mineurs » qui font tourner le système avec force électricité et sont rémunérés en bitcoins. Il n’en est rien. Tout s’effondre, avec la crise de la plus célèbre des cryptodevises, dont la valeur est passée d’un plus haut d’environ 69 000 dollars (66 150 euros), en novembre 2021, à 22 000 dollars, mardi 14 juin. En novembre 2021, l’ensemble des bitcoins disponibles valaient environ 1 320 milliards de dollars. Aujourd’hui, leur valeur est passée à 420 milliards de dollars : la bagatelle de 900 milliards de dollars s’est évaporée.
Cette débâcle contraint Coinbase, une des grandes plates-formes d’échange et de dépôt des cryptomonnaies, à supprimer près d’un cinquième de ses effectifs. Les 1 100 intéressés, qui obtiendront plus de 3,5 mois de salaire, ce qui est élevé aux Etats-Unis, ont reçu l’avis sur leur mail personnel, car ils ont été par avance « débranchés » du système interne de Coinbase. « Il semble que nous entrons dans une récession après un boom économique de plus de dix ans. Une récession pourrait conduire à un autre hiver crypto et pourrait durer pendant une période prolongée », explique à ses salariés Brian Armstrong, le fondateur de Coinbase, qui s’est acheté, en décembre, une maison à 133 millions de dollars à Los Angeles. La firme, qui chargeait plusieurs pourcentages de frais sur chaque transaction, avait déjà annoncé des pertes en mai, et son cours en Bourse a été divisé par sept depuis septembre.
Système ultrarisqué
Cet « hiver crypto » est dû à la récession qui révèle la nature de ces instruments. Ils n’ont aucun des attributs d’une valeur refuge, y compris contre l’inflation : valeur intrinsèque nulle, revenu garanti inexistant, stabilité absente. Ils se sont au contraire comportés comme les valeurs technologiques les plus spéculatives, dopées par l’argent gratuit. Dans cette panique, d’autres plates-formes ont subi des quasi-défaillances. Dimanche soir, Celsius, une plate-forme qui gère 11 milliards de dollars et prête les dépôts de ses clients à d’autres, a annoncé qu’elle suspendait tous les retraits et échanges de ses clients.
En mai, TerrasUSD s’était déjà effondrée. Cette cryptodevise censée avoir la même valeur que le dollar n’a pas été capable de tenir cette parité. Aujourd’hui, il s’avère que le système est ultrarisqué et n’est pas fiable. Déjà, ceux qui se sont entichés des bitcoins et de leurs avatars cherchent des coupables, et le Wall Street Journal consacre même un article aux imprudents qui ont multiplié les publicités pour les cryptos, comme Kim Kardashian ou le boxeur Floyd Mayweather.
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