la lanceuse d’alerte et les ratés judiciaires

la lanceuse d’alerte et les ratés judiciaires


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Publié aujourd’hui à 10h00, mis à jour à 16h34

Longs cheveux noirs et eye-liner sur les yeux, Soraya – les prénoms des victimes ont été modifiés – s’exprime posément, choisit ses mots, dégage une présence, en un mot du charisme. Elle bat en brèche l’imaginaire sexiste autour de l’actrice pornographique amatrice, un peu candide. Cela tombe bien, elle ne se considère pas comme telle, mais comme la victime de violences sexuelles de la part d’un réseau criminel. « Tu te rends compte de ce que tu as fait ? questionne son amie à la terrasse d’un café parisien. Derrière toi, il y a désormais 52 victimes. » Soraya est la « lanceuse d’alerte », la première plaignante de l’affaire qui secoue actuellement le milieu du porno français et à laquelle Le Monde consacre une enquête en quatre volets.

Fin 2016, Soraya a 23 ans et pas d’argent. Sur Internet, elle croise « Axelle », le pseudonyme sous lequel Julien D. trompe des jeunes femmes, pour profiter d’elles dans un hôtel à Reims. Avant de les orienter vers le producteur et acteur pornographique Pascal Ollitrault, alias « Pascal OP », qui gère le site French Bukkake, et son associé Mat Hadix. Soraya a subi un bukkake, cette pratique extrême importée du Japon, une séance d’éjaculation collective de plusieurs dizaines d’hommes au milieu d’un hangar de Seine-Saint-Denis, puis a dû endurer le harcèlement de tout son quartier et, enfin, une tentative d’extorsion pour racheter les vidéos, dont on lui avait promis qu’elles resteraient confidentielles.

Les 53 victimes entendues dans cette affaire témoignent toutes de l’état de dégradation psychologique dans lequel elles se sont trouvées plongées. Quelques-unes ont pensé au suicide. La plupart ne peuvent plus supporter qu’un homme les touche. D’autres sont incapables de nouer une relation amoureuse. « J’ai fait une croix sur ma vie de femme (…), j’ai fait une croix sur une vie de famille, ce qui était mon rêve à la base », décrit simplement Hélène.

Elle aussi traumatisée, Soraya tente, en 2017, d’entreprendre des démarches judiciaires. Sa façon à elle de remonter la pente. Par deux fois, elle écrit directement au parquet de Bobigny de longues lettres circonstanciées. Elle est finalement convoquée à un commissariat de Seine-Saint-Denis en 2018, deux ans après les faits. « Le premier policier m’a expliqué que lui aussi il fréquentait le milieu libertin et qu’il trouvait ça bien. Son chef m’a dit que la procureure avait été touchée par mes lettres, mais qu’elle ne pouvait rien faire. Tout le monde m’a renvoyée à l’idée qu’on ne violait pas une actrice porno. »

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