Tout au long de l’année 2021, les cartes graphiques sont restées quasiment introuvables pour le consommateur moyen, faisant parfois l’objet d’une longue chasse au trésor pour les plus déterminés d’entre eux. Depuis quelques semaines, ces précieuses cartes destinées aux ordinateurs « gamer » refont surface dans les magasins d’électronique. « Nous constatons un retour à la normale », affirme ainsi Laurent de La Clergerie, patron des boutiques LDLC, Materiel.net et Top Achat. « Nous n’avons plus de difficulté à approvisionner ces produits. »
Chez les grands marchands en ligne, toutes les gammes de cartes Nvidia et AMD sont faciles à trouver désormais, même si les modèles premier prix ne sont pas toujours disponibles, selon les constatations du Monde.
Les tarifs aussi semblent peu à peu revenir à la normale. En 2021, les prix des cartes graphiques avaient connu des envolées spectaculaires, se hissant, pour certains modèles, jusqu’au double de celui conseillé par Nvidia et AMD. Cette spirale s’est depuis inversée, leurs prix n’étant désormais supérieurs que d’environ 20 % à ceux attendus. L’écart est « en grande partie dû à la montée du dollar face à l’euro », argue Laurent de La Clergerie, qui pense que la baisse est arrivée à son terme. « Cela fait deux mois que les prix chutent, mais, à mon avis, nous sommes arrivés à un plateau. De notre côté, nous sommes revenus à des taux de marges sur les ventes tout à fait classiques de 10 %, contre 20 % au plus fort du pic. »
Effondrement des cryptomonnaies
Cet atterrissage du marché des cartes graphiques doit beaucoup à la chute brutale des cours des cryptomonnaies. En effet, pour « miner » (c’est-à-dire fabriquer par un processus de calcul complexe) ces monnaies électroniques, particuliers et grandes entreprises ont besoin d’une grande puissance de calcul, qui peut être fournie par des cartes graphiques. Les monnaies chutant brutalement, les revenus du minage ont décroché, rendant l’investissement dans le matériel de production beaucoup plus long à rentabiliser, et décourageant la plupart des nouveaux entrants. La demande en cartes graphiques s’en est trouvée allégée.
Un autre facteur-clé a joué : l’allégement des mesures visant à contenir la pandémie, qui a eu plusieurs conséquences. D’abord, les ventes d’ordinateurs portables destinés aux télétravailleurs ont chuté, « libérant des capacités de production chez les fondeurs de puces », comme l’explique Alan Priestley, qui s’occupe, entre autres, des études sur les semi-conducteurs au sein du cabinet de conseil Gartner.
Par ailleurs, libérés de leur isolement, certains joueurs ont perdu leurs envies de nouvelles cartes graphiques. « Dans nos boutiques, comparativement à l’année dernière, les ventes ont chuté de 25 %, observe Laurent de La Clergerie. Mais attention, leurs volumes restent très élevés : comparativement à 2019, nous vendons actuellement deux fois plus de cartes. » Cette forte demande, le marché parvient à l’absorber, car « la production de puces destinées aux cartes a augmenté », selon Alan Priestley.
Enfin, la logistique, profondément désorganisée par l’épidémie de Covid-19, va mieux. Certains goulets d’étranglement, qui empêchaient les fondeurs de produire au maximum de leurs capacités, ont été levés. Dans le même temps, le transport mondial fonctionne mieux. Comme le résume Alan Priestley, la logistique est désormais « mieux alignée avec la demande des consommateurs ».
A l’avenir, le tassement de la demande pourrait perdurer en raison de l’inflation, qui grignote les budgets des joueurs. Selon le Wall Street Journal, le fabricant de cartes graphiques Nvidia a, en prévision, réduit ses embauches. L’action de l’entreprise américaine a perdu 48 % au premier semestre. Un autre géant des puces électroniques haut de gamme, Intel, a aussi provisoirement réduit ses embauches dans son département PC.
Si ces marques de semi-conducteurs et leurs sous-traitants n’arrivent pas à ajuster la production suffisamment vite, les tarifs pourraient peut-être baisser encore avant le lancement de la prochaine génération de cartes graphiques, attendu pour 2023. Selon Alan Priestley, les prévisions restent toutefois « difficiles à faire » dans un contexte économique incertain, et dans un climat de concurrence et d’innovation exacerbé pour les marques de puces comme Nvidia et AMD et les trois gros fondeurs de circuits électroniques haut de gamme que sont Samsung, Intel et TSMC.
Les nouvelles consoles demeurent difficiles à dénicher
Les consoles de dernière génération sont animées par le même type de puces électroniques haut de gamme que les cartes graphiques récentes : la finesse de gravure de leurs circuits électroniques descend sous les 10 micromètres. Cependant, malgré le retour des cartes graphiques sur le marché, les consoles de jeux de nouvelle génération restent encore indisponibles sur les rayonnages des principaux magasins en ligne… à moins de faire confiance à de tout petits vendeurs qui officient sur les places de marché d’Amazon, de la Fnac ou de Darty, par exemple. Ces « vendeurs partenaires » se font une spécialité d’acheter les consoles très vite, avant que les consommateurs n’aient pu mettre la main dessus, pour les revendre nettement au-dessus du tarif officiel. Le surcoût reste aujourd’hui particulièrement salé dans le cas de la Playstation 5, qu’on trouve difficilement au début de juillet à moins de 70 % au-dessus du tarif officiel, selon les constats du Monde.