Un couple interpellé le 27 octobre, un autre en fuite : quatre personnes de nationalité moldave sont fortement suspectées d’être à l’origine d’une partie des 250 pochoirs figurant des étoiles de David retrouvés sur des murs parisiens et en proche banlieue depuis dix jours. Aux yeux des services de renseignement français, la piste d’une tentative de déstabilisation orchestrée depuis l’étranger ne fait plus de doutes. Dans un communiqué diffusé mardi 7 novembre en fin d’après-midi la procureure de Paris a indiqué que « les recherches téléphoniques permettent de penser que les deux couples d’auteurs ont été en relation avec la même tierce personne ». Elle précise également qu’« à ce stade, il n’est donc pas exclu que le marquage des étoiles de David bleues en région parisienne ait été réalisé à la demande expresse d’une personne demeurant à l’étranger ». L’enquête est désormais confiée à un juge d’instruction.
D’après l’analyse du Monde confirmée par deux expertises indépendantes, cette opération a été exploitée par le réseau « Doppelgänger », également appelé RRN (pour Reliable Recent News : « Nouvelles récentes fiables »). De très nombreux comptes Twitter et Facebook qui y sont affiliés ont diffusé à grande échelle, à partir du 28 octobre, deux photos des pochoirs apposés sur les murs d’un bâtiment de la rue de Rocroy, dans le 10e arrondissement de Paris – des dégradations qui avaient mené à l’interpellation d’un couple de ressortissants moldaves âgés de 28 et 33 ans.
L’infrastructure de propagande RRN, qui outre des « bots » (logiciels conçus pour réaliser des tâches automatiques) publiant de grandes quantités de messages sur les réseaux sociaux, anime aussi de faux sites d’informations en français et avait créé de fausses copies de grands médias (dont Le Monde), avait été publiquement dénoncée le 13 juin. Dans une déclaration rare, le Quai d’Orsay avait à l’époque attribué la paternité de cette opération d’influence à la Russie, y voyant « une nouvelle illustration de la stratégie hybride que la Russie met en œuvre pour saper les conditions d’un débat démocratique apaisé et donc porter atteinte à nos institutions démocratiques ».
Élément troublant : les photos de tags représentant des étoiles de David diffusées par les comptes liés au réseau Doppelgänger ne semblent avoir été publiées par personne d’autre. Elles n’ont été publiées par aucun média et Le Monde n’est pas parvenu à trouver d’autres sources les ayant mises en ligne sur les réseaux sociaux. Entre-temps, le couple moldave a pu être interpellé mais les premières constatations menées par les services d’enquête laissent penser qu’une troisième personne a été missionnée, en vertu du principe de cloisonnement de toute action clandestine, pour prendre les clichés des tags et les adresser au commanditaire de l’opération afin qu’il puisse en assurer la diffusion et en guise de preuve du service effectué.
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