“La police est en bas de chez mon employé, supprimez les conversations WhatsApp”. Ce 21 juin 2022, le compte “La Geneverie” baisse virtuellement le rideau sur la messagerie Telegram, un message d’ailleurs toujours visible. Près de deux ans plus tard, le procès de ce marché noir vient de s’ouvrir devant le tribunal correctionnel de Paris.
Comme l’avait dévoilé Le Parisien, cette place de marché illégale avait été démantelée par la police à partir de juin 2022. Avant d’être arrêtée, la personne suspectée d’être l’administrateur du canal Telegram, Florian R., avait menacé de se suicider en ouvrant le gaz, une façon de gagner du temps pour prévenir ses followers et de détruire des téléphones et son ordinateur, selon l’enquête judiciaire.
Ce lundi 4 mars, pour le premier jour du procès devant les magistrats de la 13e chambre, Florian, l’un des huit prévenus, a finalement reconnu être l’un des deux administrateurs du compte Telegram. “Une grosse avancée dans le dossier”, après ses précédentes dénégations, insiste cet homme de 26 ans qui vivait dans le sud de la France avant son arrestation.
Passion horlogerie
La Geneverie – un nom qui fait référence tout simplement à Genève et à l’horlogerie – était aussi actif sur Instagram et Snapchat. Au départ, le jeune homme d’origine corse voulait devenir un influenceur de l’horlogerie, sa passion, en publiant sur Snapchat des vidéos de montres.
Avant de réaliser qu’il existait une forte demande pour des contrefaçons – et d’y répondre. Ce dernier faisait sa croûte en obtenant des fausses montres de luxe gratuites de ses fournisseurs en Asie toutes les “cinq à six ventes”, des objets qu’il revendait ensuite.
Le marché noir s’était retrouvé dans le viseur des policiers de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (Ocriest), qui suivaient les trafics louches d’un autre channel Telegram. Mais après avoir intercepté des colis de fausses montres de luxe, le service d’enquêtes judiciaires des finances avait également eu ce compte douteux dans sa ligne de mire.
Une foultitude de « bon plans »
Outre les bracelets, La Geneverie s’était spécialisée dans la vente de fausses cartes d’identité. “C’était des clients qui me les demandaient pour pouvoir revendre les montres”, explique Florian R. Mais “il y avait plein d’autres bons plans, enfin totalement illégaux”, ironise le président du tribunal, Guillaume Daïeff.
Soit des passes sanitaires, des refund Amazon – des arnaques au remboursement du célèbre site marchand – et des consultations de fichiers de police, des extraits du fichier du traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) et du fichier des personnes recherchées.
Autant de ventes qui étaient avant tout des arnaques, assure aujourd’hui Florian R. “Je copiais des annonces faites sur d’autres canaux Telegram, j’escroquais totalement les clients”, dit-il sans vraiment convaincre.
Deux anciens policiers adjoints sont en effet poursuivis pour avoir communiqué des données issues de fichiers de police à des tiers. Ce qui donne au procès un air de ressemblance avec l’affaire Haurus, du nom de cet ancien policier de la DGSI.
A une nuance près: ce genre de trafic semble s’être déplacé des forums interlopes du darkweb aux réseaux sociaux. Haurus avait été condamné en appel à cinq ans de prison pour avoir vendu le même genre d’informations sensibles sur des places de marché illégales, dont Black Hand.
Sa chute avait précipité celle de “Shoint”, un ex-gendarme du Centre de lutte contre les criminalités numériques qui proposait divers services, de la vente d’informations à la filature. Selon les informations de ZDNET.fr, ce dernier a finalement été condamné à trois ans de prison, dont un avec sursis, en mars 2021.