La police nationale utiliserait un logiciel de reconnaissance faciale depuis 8 ans… en toute illégalité ?

Reconnaissance faciale


« Vidéo Synopsis », un logiciel de reconnaissance faciale, serait utilisé par les forces de l’ordre depuis 2015, totalement en dehors des clous de notre droit, révèle Disclose. Aucune disposition légale n’autorise en effet la mise en place d’expérimentations de dispositifs de reconnaissance faciale à grande échelle.

« Il semble préférable de ne pas en parler ». Selon nos confrères de Disclose, la police nationale utiliserait, en dehors des clous – et de la loi – un logiciel de reconnaissance faciale depuis 2015. Son fabricant, Briefcam, est une société israélienne spécialisée dans les logiciels de vidéosurveillance algorithmique (VSA). C’est cette technologie qui a été introduite à titre expérimental dans notre législation jusqu’à fin mars 2025.

La VSA promet de détecter des « situations anormales » – comme la survenue d’un feu ou un mouvement de foule. La reconnaissance faciale irait plus loin, puisque la technologie est capable d’identifier des personnes dans une foule en direct ou à postériori, en analysant les traits du visage des personnes photographiées ou filmées, et en les comparant à une base de données. Dans « l’AI Act », le règlement européen sur l’intelligence artificielle actuellement en discussion au sein de l’Union européenne, les logiciels de reconnaissance faciale feraient partie des systèmes d’IA interdits en Europe. La raison ? Ce type de systèmes représente un risque inacceptable en termes de liberté individuelle ou collective.

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Et c’est aussi l’avis de la majorité, puisqu’en mai dernier, le Gouvernement a préféré renoncer à la reconnaissance faciale lors du vote de la loi sur les Jeux olympiques, qui se dérouleront à Paris en 2024. À la place, une expérimentation de VSA qui durera jusqu’en 2025 a été mise en place – ce qui n’a pas manqué d’inquiéter les défenseurs des droits.

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« Vidéo Synopsis » utilisé depuis 2015

Pourtant, la police nationale utiliserait bien cette technologie de reconnaissance faciale, rapporte Disclose, ce mardi 14 novembre. Selon des documents internes au ministère de l’Intérieur que nos confrères ont pu consulter, « Vidéo Synopsis » a commencé à être utilisé par les forces de l’ordre en 2015. Ce logiciel promet, selon le site Web de Briefcam, de « revoir des heures de vidéo en quelques minutes, parfois quelques secondes ». Il permet surtout, expliquent nos confrères, de pouvoir suivre une personne, un véhicule ou un cycliste filmés par plusieurs caméras.

Une expérimentation a d’abord eu lieu au sein de la direction départementale de sécurité publique de Seine-et-Marne cette année-là. Avec succès, car deux ans plus tard, le logiciel est adopté par les forces de l’ordre du Rhône, du Nord, des Alpes-Maritimes, de Haute-Garonne, ainsi qu’au sein du SIAT, liste Disclose – il s’agit d’un service interministériel d’assistance technique spécialisé dans les écoutes et les infiltrations dans la grande criminalité.

Étude d’impact, consultation de la CNIL… aucun garde-fou n’aurait été respecté

Enfin, le logiciel a été installé dans les préfectures de police de Paris, de Marseille, la police judiciaire et la gendarmerie nationale, sur des ordinateurs dédiés. Avant d’avoir recours à de tels logiciels, attentatoires aux libertés individuelles, le législateur européen et français a pourtant prévu une myriade de garde-fous. Or, c’est bien simple : toutes ces mesures de protection ont tout simplement été contournées, rapporte Disclose.

Ainsi, ni l’étude d’impact qu’aurait dû mener le ministère de l’Intérieur avant l’adoption de ce logiciel, ni la consultation du gendarme de nos libertés informatiques, la CNIL, n’ont été réalisées, expliquent nos confrères.

Que dit la loi aujourd’hui ?

Quant aux conditions d’utilisation de cette technologie, elles n’auraient pas non plus été respectées. Une directive européenne de 2016 autorise le traitement de données biométriques pour identifier une personne, mais uniquement « en cas de nécessité absolue, sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée ». Condition supplémentaire : ce traitement doit être autorisé par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, précise Viepublique.fr. Ce site Web d’informations est géré par la Direction de l’information légale et administrative, rattachée aux services de la Première ministre Elisabeth Borne.

Et selon ce site, l’utilisation de la reconnaissance faciale serait possible, mais seulement dans des cas très précis comme celui des traitements des antécédents judiciaires – ce qui pourrait être le cas lorsqu’un policier par exemple souhaite vérifier si telle personne a un casier judiciaire. Une autre utilisation est aussi prévue dans le cadre de contrôle d’identité lors d’un passage aux frontières. En parallèle, deux expérimentations ont été mises en place : lors du carnaval de Nice en 2019, et à l’Olympique de Marseille en 2021. Mais il est écrit noir sur blanc sur le site de Viepublique.fr « qu’aucune disposition légale n’autorise la mise en place d’expérimentations de dispositifs de reconnaissance faciale à grande échelle ». Ce qui serait le cas ici, selon Disclose.

De quoi faire dire à un cadre de la police en 2020, cité par nos confrères : « Certains services ont l’outil Briefcam, mais celui-ci n’étant pas déclaré à la CNIL, il semble préférable de ne pas en parler ». Selon le représentant de cette société en Europe, contacté par le site d’investigation, le logiciel serait utilisé dans plus d’une centaine de villes, dont Nice, Roubaix ou Perpignan. La CNIL a, de son côté, expliqué à nos confrères n’être en possession d’aucun élément permettant de confirmer ou d’infirmer l’utilisation de ce logiciel par les forces de l’ordre françaises. La direction de la police nationale n’a, quant à elle, pas répondu aux sollicitations de Disclose.

Source :

Disclose



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