Le président des Etats-Unis a signé, le 7 octobre, un décret exécutif portant sur l’encadrement des transferts de données personnelles entre les deux rives de l’Atlantique. Il s’agit d’une étape décisive en matière de protection des données – sujet particulièrement sensible pour les Européens –, qui fait suite à l’engagement pris par les Etats-Unis, en mars, de reprendre le fil des négociations en la matière.
La question de la protection des données constitue en effet une saga au long cours. Par deux fois, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (décision « Safe Harbour » de 2015, décision « Privacy Shield » de 2020 – également appelées décisions « Schrems I et Schrems II », du nom de l’activiste allemand Max Schrems, qui a saisi la justice d’accords jugés insuffisamment protecteurs de la vie privée des Européens) a cassé le dispositif imaginé entre Européens et Américains. Il en a résulté des difficultés et des incertitudes considérables pour l’ensemble des entreprises – américaines et européennes – dont l’activité implique de transférer, analyser, utiliser les données.
Dans ce contexte, que propose ce texte pour répondre aux craintes européennes de voir les services de renseignements américains faire une utilisation disproportionnée de la raison d’Etat pour connaître de données de nature privée ? La surveillance, prévoit le texte, ne pourra se mettre en œuvre qu’en matière de « priorité de renseignement validée » et de manière « proportionnée ».
Nécessaire proportionnalité
Un mécanisme de recours – absent des dispositifs précédemment imaginés – en deux temps est proposé : les services du directeur du renseignement national pourront mener une enquête pour déterminer si le décret est respecté ; une cour de révision spéciale dévolue au contrôle de la protection des données, indépendante mais placée sous l’autorité du procureur général des Etats-Unis, pourra en connaître en appel.
Ces avancées sont substantielles. Bien sûr, comme toujours, le diable sera dans les détails. Mais quelques remarques peuvent inciter à l’optimisme. Relevons d’abord la réaction des autorités européennes concernées.
Le commissaire chargé de ces questions, Didier Reynders, a réservé un accueil très positif à cette proposition américaine. S’agit-il de diplomatie ? Evidemment. Mais il n’est pas défendu d’y voir une forme de sincérité. Car s’il est une marque de fabrique de cette Commission, c’est bien d’avoir mis la lutte contre la puissance des grandes entreprises américaines du numérique – à côté des questions d’environnement avec le Green Deal – au frontispice de ses préoccupations. On peut donc compter sur elle pour regarder avec suspicion toute proposition américaine en la matière.
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