Tout le Monde est unanime sur l’accélération de la numérisation et plus largement de la transformation digitale des entreprises pendant cette crise de la Covid-29. Dans les résultats des entreprises en 2020 qui sont publiés, on commence à voir que certains secteurs en s’adaptant ont su amortir considérablement l’impact de la crise, si ce n’est en tirer profit. À la sortie du premier confinement, GreenSI traitait du réalignement des priorités SI des entreprises et notamment du lancement de projets de reconfiguration des processus logistiques avec le ecommerce et le sans contact.
Mais qu’en est-il globalement au niveau d’un pays comme la France, où le poids du service public est aussi important dans la résilience globale des services du pays ? D’ailleurs, comment apprécier la numérisation d’un pays et mesurer l’impact de ce niveau de numérisation sur sa résilience ?
Les capacités numériques nationales au sens large, dans le télétravail, le fonctionnement des entreprises, les loisirs, l’enseignement à distance ou le commerce électronique, sont bien sûrs devenus des capacités essentielles, pour reprendre le terme déjà utilisé pour les métiers de la santé, de la gestion de l’eau ou des déchets.
Pour apprécier ces capacités essentielles à l’échelle de la planète, GreenSI est allé chercher la dernière mouture de l’étude sponsorisée par Mastercard – Digital Evolution Scorecard – pour évaluer 90 pays dans le Monde sur ces sujets. Ce qui est intéressant, c’est que cette étude a démarré en 2015, puis 2017 et donc que la troisième itération 2020 permet de comparer avec le passé et de voir l’impact de la crise de la Covid-19 en 2020.
En 2017, l’étude identifie Singapour, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, les Émirats arabes unis, l’Estonie, Hong Kong, le Japon et Israël comme “les élites numériques”. Des pays qui sont caractérisés par un niveau élevés de développement numérique et un rapide taux d’évolution du digital, supporté par une forte politique d’innovation.
L’étude s’appuie sur 170 indicateurs regroupés en 4 facteurs :
- Infrastructures réseaux (dont accès Internet)
- Appétence des consommateurs pour les technologies numériques
- Environnement institutionnel (politiques, lois gouvernementales et ressources)
- Innovation (investissements en R&D, création de start-up numériques, etc.)
Dans la version 2020 de l’étude, les termes ont légèrement évolué, mais de manière similaire cela permet de comprendre le rôle de l’infrastructure pour développer l’écosystème numérique qui saura s’adapter, l’envie des consommateurs à s’intégrer dans cet écosystème, le support institutionnel via un cadre législatif adapté au numérique et enfin la maturité de l’écosystème innovation, et de ses moyens consacrés au numérique.
Ces quatre facteurs permettent, de façon assez classique, de classer les pays en 4 catégories selon l’axe du taux de digitalisation et de la croissance du digital :
- Les pays leaders (stand out), déjà cités pour l’étude 2017, qui démontrent un haut niveau de développement numérique tout en restant leaders en matière d’innovation.
- Les pays qui stagnent (stall out), comme une grande partie de l’Europe occidentale en 2017 avec une dynamique qui ralentie.
- Les challengers (break out) qui au contraire ont la dynamique la plus forte, et où se situe en 2017 la Chine, la Russie et l’Inde.
- Enfin, les retardataires (watch out) par leurs faibles progrès digitaux et par une croissance lente.
Il en ressort que les leaders 2020 sont la Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong, l’Estonie, Taïwan et les Émirats arabes unis.
On constate par différence avec 2017 une forte avancée de la Corée du Sud, qui a aussi démontré une capacité de réaction importante pour la gestion de la crise (voir Villes et pandémie, devenir smart ou disparaître).
La Chine a eu une accélération sans précédent et supérieure à toutes les économies. Son niveau de digitalisation se situe à la frontière lui permettant prochainement de rejoindre ce groupe et d’être en route pour devenir le premier marché technologique mondial.
La France est dans le groupe de ceux qui ont déjà un niveau de développement important, mais qui n’ont pas de croissance et de vitesse pour poursuivre le mouvement. Une situation qui ne surprendra pas, dans un contexte de résistance au changement fort (voir 2021, inflexion pour le numérique)
Les points d’attention sur ce volet digital restent assez classiques. Tous les politiques vous diront qu’ils veulent élargir l’adoption des outils numériques grand public, soutenir les PME dans leur digitalisation, former et fidéliser les talents numériques, avoir un internet rapide et universel (tout en rejetant la 5G, ça c’est le plus français !). Ils font également le lien entre le rôle du numérique et les enjeux d’innovation, d’exportation et de gouvernance des données et des plateformes. Ceci fait dire à GreenSI que tout se joue dans la capacité d’exécution et non dans la théorie.
Ce qui fera la différence entre deux politiques, et deux pays, c’est bien la mise en œuvre, comme dans les entreprises où le poids de l’accompagnement des changements est essentiel dans la transformation digitale. D’ailleurs pour GreenSI la crise a plus accéléré l’adoption (le sans contact, le télétravail, les téléconsultations, l’open et =le big data des données de santé, …) qu’accéléré de nouvelles solutions. Paradoxalement, en France, la forte empreinte du service public ne semble pas lui donner un avantage particulier, contrairement à la Chine, Singapour ou la Corée du Sud par exemple, où le rôle du public y est aussi important et bien articulé avec le privé.
Dans les fortes évolutions à la baisse on trouve le Royaume-Uni qui a ralenti et quitté les « leaders » pour rejoindre le groupe plus européen de ceux qui stagnent. Un comble l’année du Brexit 😉
En période de crise, l’évolution du numérique est un contributeur essentiel à la résilience économique, mais n’est pas le seul. La structure de l’économie et des secteurs qui la composent – l’impact de la distanciation sociale sur ces secteurs – et la réponse sanitaire des gouvernements, jouent un rôle tout aussi important. Au Royaume-Uni, ces deux derniers facteurs expliquent le ralentissement avec une économie insulaire basée sur les voyages et une finance dans l’incertitude du Brexit. La technologie est donc une condition nécessaire, mais pas suffisante.
Un éclairage intéressant est celui de la résilience amenée par le développement du télétravail.
Les économies les plus évoluées numériquement peuvent tirer une plus grande part de leur PIB des secteurs technologique et des services reposant sur le traitement de l’information. Ainsi une partie importante de leur main-d’œuvre peut passer du bureau au télétravail. Les travailleurs de Singapour, de la Suède, de la Suisse, par exemple ont fait face à une transition plus douce vers le télétravail que les travailleurs en Thaïlande, en Inde ou en Turquie.
On note ainsi dans le graphique ci-dessous une corrélation nette entre le pourcentage de travailleurs pouvant basculer à distance (horizontal) et un amortissement de la crise – un moindre impact en réduction du PIB entre 2019 et 2020.
Un autre enseignement intéressant est que l’accès à Internet mobile est nécessaire mais pas suffisant.
Ces pays dont la majorité des accès sont mobiles et qui ont bénéficié d’une forte croissance du numérique ces dernières années avec les accès mobiles, ne doivent pas oublier d’investir dans une connectivité haut débit, et des ordinateurs, pour libérer tout le potentiel de la numérisation de l’économie. La crise a ainsi montré que les équipements et les débits étaient des éléments importants dans la résilience et qu’on ne pouvait se baser que sur le mobile. En France, c’est d’une certaine façon un autre éclairage sur les zones rurales couvertes faiblement par le mobile et sans haut-débit. C’est peut-être une fracture potentielle à moyen terme qui s’installe.
Finalement, GreenSI retiendra que cette étude confirme que le numérique est devenu réellement un facteur de compétitivité des nations. La crise a permis de tester ceux qui savaient le mobiliser rapidement, auprès de tous, et démontrer plus de résilience économique que d’autres.
Si vous voulez explorer le Monde sous l’œil de ces données, consultez le site interactif dédié à cette étude, ou lire le rapport en cliquant sur l’image.
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