Les très médiocres processeurs souverains russes Elbrus et Baïkal étaient produits à Taïwan, mais le pays s’est joint au USA et à l’UE pour bloquer les exports technologiques vers la Russie. Qui va devoir frapper à la porte de la Chine si elle veut continuer à développer son indépendance et sa filière.
Sale temps pour les semi-conducteurs russes : leurs puces domestiques étaient déjà très médiocres, mais en plus, elle ne peut désormais plus les faire fabriquer. Selon le quotidien russe Kommersant, le pays n’a plus la capacité de remplacer les puces étrangères – comprendre ici « américaines » – par des puces domestiques. La faute revenant à TSMC, le numéro 1 mondial de la sous-traitance de semi-conducteur, qui a définitivement fermé ses usines à la Russie dans la foulée des embargos américains et européens.
Les puces Elbrus et Baikal qui étaient fabriquées à Taïwan en 16 nm ne sont plus produites, car aussi médiocres soient-elles, elles dépassent de loin les limites d’export que les alliés imposent à la Russie : pas plus de 25 MHz, pas plus de 5 Gflops, etc. Alors que les autorités russes tentent depuis des années de remplacer les puces américaines de leurs PC sensibles (défense, renseignement) par des puces locales, elles ne peuvent désormais même plus compter dessus.
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Si la Chine a les compétences de produire ces puces via son champion SMIC – qui grave en masse en 14 et 16 nm et qui a même réussi à atteindre 7 nm pour des puces simples – il n’est pas dit que cette alternative soit viable. D’une part la Chine a fermé la porte à l’export de sa propre puce souveraine Loongson, mais en plus SMIC n’est vraiment pas neutre. L’entreprise bénéficie du soutien direct du gouvernement chinois, ce qui lui vaut son placement sur la liste noire des exports de technologies américaines. Pas sûr que les « plans » des puces russes soient en sécurité en Chine. Car si TSMC a dû accepter la directive son gouvernement, l’entreprise est connue pour sa capacité à respecter la propriété intellectuelle de ses clients – Apple, Qualcomm, AMD, etc.
Production interdite chez les alliés, impossible en Russie et peu probable en Chine
La raison de l’impasse de la production locale de puce tient dans la décrépitude totale de la chaîne d’approvisionnement de semi-conducteurs en Russie. Les capacités de production sont très faibles et complètement obsolètes puisque les meilleures lignes de production locales sont en 90 nm. Une finesse de gravure mise en production de masse par entre 2003 et 2005 selon les acteurs (pensez aux puces de la PlayStation 2, aux Pentium D, Athlon 64 et autre GeForce 8800 GTS !) : dès le 1er janvier 2023, on pourra donc dire que la Russie a 20 ans de retard dans la production de puces ! Sachant que plus on diminue la taille des circuits, plus la montée en compétence est difficile et coûte cher (seules trois entreprises dans le monde gravent en EUV en dessous de 10 nm : TSMC, Samsung et Intel), on comprend alors pourquoi le plan décennal de remise à niveau russe paraît si modeste.
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Si la Chine ne répond pas positivement aux demandes de production de la part des concepteurs de puces russes, le pays n’aura comme autre possibilité de continuer à acheter des puces américaines – mais plus chères, car sur les marché parallèles. Quant au devenir de sa filière locale de conception de processeurs, l’impossibilité non seulement de produire, mais aussi de tester des puces (on parle de tape out) devrait encore plus ralentir son (très) lent développement. Ce qui va encore accentuer le retard de la Russie sur le reste du monde.
Source :
Tom’s Hardware (US)