Il faut toujours se méfier des fraudeurs, particulièrement sur les plates-formes de streaming (musique en ligne) puisqu’ils déferlent là où on ne les attend pas. Les clapotis de la pluie, les chants d’oiseaux, les bourdonnements de sèche-cheveux ou même le boucan d’une tondeuse à gazon font partie des musiques – voire des bruits – qui font l’objet du plus grand nombre de malversations financières.
Les tout premiers « faux streams » ont été détectés chez Deezer en 2013. Depuis, la plate-forme traque les resquilleurs qui tentent artificiellement d’augmenter les écoutes en ligne par des personnes physiques ou des robots. Ils cherchent à générer des revenus financiers en enflant la part de marché d’un morceau de musique pour obtenir davantage de droits d’auteur – ou désirent améliorer la performance d’un titre dans un palmarès, voire orienter un système de recommandation (playlist, recherche…).
« La fraude évolue et s’améliore sans cesse », assure Ludovic Pouilly, directeur des relations institutionnelles et des relations avec l’industrie musicale de Deezer. Les mailles de l’épuisette ont beau se resserrer avec les années, l’imagination des fraudeurs s’adapte. « C’est un combat sans fin », constate-t-il.
Installé à Paris, Deezer, dont le principal actionnaire, à 37 %, est le fonds d’investissement américain Access Industries, du milliardaire Leonard Blavatnik, a essuyé un échec retentissant lors de sa mise en Bourse en juillet 2022 et son cours n’a toujours pas retrouvé son niveau d’introduction. Ce petit Poucet, à côté du leader mondial Spotify, est toutefois la seule plate-forme à dévoiler les arcanes de sa lutte contre la fraude. Ses équipes ont repéré, en 2022, 0,6 % des utilisateurs suspects et 6,7 % de faux streams. Catégorisés comme tels, ils ne font pas l’objet de royalties (paiement des artistes) et ni d’intégration dans les playlists.
Spécialistes en malversation
En janvier, le Centre national de la musique (CNM) avait publié une étude, la première du genre, sur ce « vrai phénomène », en notant des effets très perturbateurs sur le marché de la musique, comme « la baisse de la valeur unitaire d’un stream, et donc la rémunération correcte des autres ayants droit ». Mais aussi l’altération des profils algorithmiques des artistes. Quant aux abonnés, ils peuvent redouter que leurs comptes soient piratés et s’interroger sur la pertinence des recommandations d’écoute suggérées. Cette étude à laquelle Deezer, Qobuz et Spotify avaient participé – contrairement à Apple Music et Amazon Music – concluait à l’existence de 1 % à 3 % de streams frauduleux, soit 1 milliard à 3 milliards en 2021 rien que dans l’Hexagone.
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