le « 4 × 100 mèmes », ou le meilleur des compétitions vu par les réseaux sociaux

le « 4 × 100 mèmes », ou le meilleur des compétitions vu par les réseaux sociaux


« Plus vite, plus haut, plus fort. » Pierre de Coubertin, le fondateur du Comité international olympique (CIO), n’a jamais eu de compte TikTok (il aurait de toute façon probablement préféré X), mais si cela avait été le cas, nul doute qu’il aurait réservé, en 2024, sa célèbre maxime autant aux performances athlétiques qu’à celles des internautes. Car, à mi-chemin des Jeux olympiques (JO) de Paris, les prétendants aux podiums se bousculent dans les deux principales catégories du lol sportif.

Dans cette section reine du mème olympique, celle du contenu viral autoproduit en individuel, Team USA était donnée largement favorite. La délégation américaine dispose, numériquement, d’une des bases de fans les plus puissantes – les internautes chinois ne pouvant légalement accéder ni à Instagram, ni à X ou même TikTok (c’est sur la version nationale, Douyin, qu’ils peuvent suivre leurs athlètes).

De quoi engranger facilement des likes par millions a priori, notamment pour quelques sportives et sportifs qui bénéficiaient déjà, avant les JO, d’une popularité importante et d’un certain savoir-faire en matière de viralité. Comme Tyler Downs, plongeur américain au palmarès relativement modeste mais qui sait comment capter l’attention, en postant par exemple sur son compte TikTok (un million d’abonnés) une vidéo où il explique être surtout venu à Paris pour pouvoir « mater des athlètes canons ».

Mais malgré une performance remarquée, incluant une chorégraphie devant la Tour Eiffel (14 millions de vues), Tyler Downs termine au pied du podium. Car c’est une valeur sûre de la délégation américaine qui obtient la médaille de bronze : Simone Biles. Une quasi-contre-performance pour « la » star de la gymnastique américaine et des réseaux sociaux, qui a pourtant réussi une prestation notable en devenant l’épicentre d’un débat sur l’un des sujets favoris des internautes français : les pains au chocolat. Intimée d’en goûter « un vrai » après s’être filmée en train de dévorer leur version industrielle, elle a fini par s’en faire livrer depuis chez le boulanger par sa coach française, Cécile Canqueteau-Landi.

De quoi éliminer les autres athlètes qui ont tenté de jouer sur la gastronomie tricolore pour s’imposer sur les réseaux sociaux. Comme son compatriote Erik Shoji, joueur de volley-ball reconverti en critique culinaire du village olympique. Ou le nageur norvégien Henrik Christiansen et sa passion contagieuse pour les « muffins du CROUS » : malgré son humour incontestable, il n’a pas été autorisé à concourir dans cette catégorie en individuel, car imité par d’autres athlètes.

Côté argent, c’est un athlète sud-africain qui prive les Etats-Unis d’un grand chelem : la deuxième place du podium est attribuée à Vincent Leygonie, qui signe une très belle performance pour ses premiers JO. Le champion de BMX a réussi son entrée dans la compétition avec une vidéo aussi simple et directe que stupide, dans la droite ligne de la culture de l’émission de télé-réalité « Jackass », qui a imprégné toute la culture du BMX et du skateboard : un test à vélo des lits en carton recyclé du village olympique, qui lui a valu selon ses dires de quasiment passer par la fenêtre. Avec cette idée toute bête, il coiffe sur le poteau les dizaines d’athlètes qui ont publié des critiques plus classiques du matériel fourni aux compétiteurs.

Mais il aurait fallu plus, beaucoup plus, pour terrasser l’athlète qui s’est imposée haut la main sur les réseaux sociaux, après avoir empoché le bronze au rugby à sept : l’Américaine Ilona Maher, qui remporte l’or grâce à un doublé magistral. Déjà remarquée pour son aisance en ligne aux JO de Tokyo, la rugbywoman a enchaîné des vidéos réussies parodiant le village olympique sous les traits d’une émission de téléréalité, après avoir réalisé un carton grâce à une publication drôle et franche dans laquelle elle répondait à un internaute qui se moquait de son indice de masse corporelle (1,8 million de likes sur Instagram et TikTok).

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, même quand on n’a rien demandé. Dans cette catégorie dédiée à celles et ceux dont la viralité a surpassé malgré eux leur notoriété (ce qui dans bien des cas n’est pas difficile), c’est un héros en apparence ordinaire qui s’empare de la médaille de bronze : le gymnaste américain Stephen Nedoroscik, avec son faux air de Clark Kent (l’identité de Superman quand il ne vole pas en slip), ravit la troisième place aux duos de plongeuses américaines Cook et Bacon et aux nageuses Harvey et Weinstein.

L’Internet, particulièrement outre-Atlantique, n’avait d’yeux jeudi que pour ce spécialiste du cheval d’arçons, dont l’image de nerd binoclard a volé en éclat au bout de deux heures d’attente. Après avoir enlevé ses lunettes (mais sans arracher sa chemise), il réalise une prestation impeccable et permet à son équipe de ravir, en plus du cœur des internautes, la médaille de bronze.

Comme lui, un autre sportif a vu sa prestation sportive presque éclipsée par son apparence : Yusuf Dikeç, médaillé d’argent sur l’épreuve mixte de tir au pistolet à 10 mètres. Main dans la poche, sans équipement de protection ni oculaire, sa dégaine nonchalante aura autant convoqué l’image d’un John Wick (le légendaire tueur à gages du film de Chad Stahelski) père de famille que rappelé des souvenirs à toutes celles et ceux qui, dans leur vie de lycéen, ont débarqué en cours d’EPS sans leurs affaires de sport.

Si on ajoute l’air blasé et l’attirail façon cyberpunk de la Sud-Coréenne Kim Ye-ji, ainsi que l’impressionnante courbure du dos de son compatriote Choe Dae-han, ou encore l’ironie de voir éliminé un pays aussi amoureux des armes que les Etats-Unis, plus de doute : la médaille d’argent doit être décernée aux tireurs de ces JO, et donc être collective. De toute façon le « 4 × 100 mèmes », c’est comme le commentaire en BMX, vous pouvez dire n’importe quoi, personne n’y comprend rien.

Enfin, parce qu’il est évident qu’il n’en a pas suffisamment, la médaille d’or de ce classement revient au nageur Léon Marchand. Pas pour ses inimitables coulées non, mais pour avoir lancé malgré lui une théorie qui surpasse de loin toutes celles sur l’origine du Covid : la France aurait mis sur pied un laboratoire secret pour cloner ses sportifs de talents. Sinon comment expliquer sa ressemblance avec un autre prodige tricolore, Kylian Mbappé (surtout avec un bonnet) ?

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