« Le contexte politique inédit a poussé les influenceurs à prendre position »

« Le contexte politique inédit a poussé les influenceurs à prendre position »


Pascal Lardellier est professeur à l’université de Bourgogne, spécialiste de la communication politique et de l’influence. Il est notamment l’auteur d’un Eloge de ce qui nous lie. L’étonnante modernité des rites (L’Aube, 2023).

Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, plusieurs influenceurs ont pris la parole, appelant notamment à faire barrage à l’extrême droite. Pour vous, qu’est-ce qu’un influenceur ?

C’est quelqu’un qui, par un trait de personnalité ou une expertise particulière, va gagner en visibilité sur les réseaux sociaux et pouvoir en tirer profit. Il constitue un relais d’opinion susceptible d’influencer le comportement, entre autres politique, de ses followers – des centaines de milliers, voire des millions de personnes. Certains sont des influenceurs pur jus, connus grâce aux réseaux, d’autres sont des personnes célèbres, comme les sportifs ou les artistes, qui les utilisent pour renforcer leur renommée.

En matière politique, on peut différencier plusieurs profils. Schématiquement, il y a d’un côté les influenceurs militants, comme la journaliste Salomé Saqué ou la militante écologiste Camille Etienne. De l’autre, des influenceurs éloignés de la politique, axés sur la mode, le divertissement, le sport, etc. Les premiers ont immédiatement réagi à la dissolution ; les seconds beaucoup moins. Pour autant, fait étonnant, nombre d’entre eux ont fini par se mouiller avant les législatives.

Pourriez-vous citer quelques exemples ?

Squeezie, deuxième youtubeur de France, a appelé sur Instagram, le 14 juin, à voter contre l’extrême droite. Mister V, vidéaste et humoriste, a incité ses abonnés à se rendre aux urnes : « Pas pour les fafs [militants d’extrême droite] de merde ». Léna Situations, star des influenceuses françaises, dans la mode notamment, s’est mobilisée « contre l’extrême droite, contre la xénophobie, contre l’intolérance ».

Des footballeurs ont également donné leur avis, comme Kylian Mbappé ou Marcus Thuram. Mbappé est même revenu à la charge dans l’entre-deux-tours, le 4 juillet. Le youtubeur Tibo InShape, spécialisé dans la musculation, s’est, lui, déclaré « de droite », et s’est dit prêt à devenir ministre des sports, sans qu’on sache vraiment s’il s’agissait d’une boutade, avant de préciser, le 7 juillet au soir, qu’il avait voté Ensemble. La liste est longue…

Ces prises de parole sont-elles un phénomène nouveau ?

Non, il y a eu d’autres exemples. Au moment de la réforme des retraites, Léna Situations qualifiait de « honte » le recours au 49.3. Certains influenceurs, comme Squeezie, se sont exprimés sur la guerre à Gaza. L’engagement est monté progressivement au sein de la communauté numérique. Mais là, nous avons vécu un moment charnière. Le contexte politique inédit a poussé les influenceurs à entrer dans la danse.

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