Le gendarme des télécoms s’inquiète de l’IA générative, nouvel intermédiaire entre utilisateur et contenu

Internet câble


Dans son rapport annuel sur l’état de l’internet, le gendarme des télécoms français dresse l’état des lieux des bandes passantes, de la neutralité du Net et de la transition vers l’IPv6. Il s’inquiète du nouvel arrivé dans l’écosystème internet : l’IA générative, qui pourrait devenir l’intermédiaire obligé par lequel passer pour accéder aux contenus du Web.

Quel est l’état de l’Internet en France ? Comme chaque année depuis 2017, l’Arcep, le gendarme des télécoms français, a publié ce jeudi 4 juillet son rapport en la matière, reflet de ses travaux de suivi ou de contrôle effectués en 2023 et 2024.

Revenant sur le rôle de gardien de cette autorité, Laure de La Raudière, sa présidente, a rappelé lors d’une conférence de presse donnée ce jour qu’il s’agissait de « vérifier que la capacité d’échange sur Internet de nos concitoyens et des entreprises n’est pas affectée. Sans rentrer dans les sujets d’actualité politique, je n’ai pas besoin de vous dire combien cette capacité d’échange dont nous bénéficions tous est importante au bon fonctionnement de notre société, de notre économie et au final de notre démocratie », a-t-elle ajouté.

Nouveau venu dans ce rapport : l’IA générative, qui a droit à tout un chapitre dans le texte. L’Arcep pointe du doigt « l’impact de l’IA générative sur Internet » que cela soit en termes d’ouverture, mais aussi de possibilité, pour les utilisateurs, d’accéder et de mettre à disposition le contenu de leur choix lorsqu’ils sont en ligne. Preuve de cette inquiétude : la question a fait l’objet d’une table ronde, organisée juste après la conférence ce jeudi.

Netflix, Akamai, Facebook, Google et Amazon occupent toujours la moitié de la bande passante

Côté trafic internet, une bonne partie des bandes passantes est toujours occupée par cinq géants du numérique. Plus de la moitié du trafic des quatre principaux fournisseurs d’accès à internet (53 %) provient de Netflix, d’Akamai, de Facebook, de Google et d’Amazon, contre 56 % douze mois plus tôt. La raison de cette légère baisse ? « Peut-être les techniques d’optimisation des flux », a précisé l’Arcep. Depuis 2017, cette part des géants du numérique oscille entre 50 à 60 %, a ajouté le gendarme des télécoms.

En détail, le géant du streaming Netflix représente 15,3 % du trafic, un pourcentage en baisse par rapport à 2022 où il atteignait les 20 %. Akamai arrive en 2ᵉ position avec 12,3 % : cette société, qui  « transporte le trafic d’autres acteurs », est un opérateur de serveurs pour des plateformes comme Disney +. Viennent ensuite Google (9,8 %), Amazon (dont Twitch) (8,5 %) et Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp (6,8 %). À côté de ces cinq sociétés, Bytedance, la maison mère de TikTok, a vu sa part doubler depuis 2021.

© Arcep. Décomposition selon l’origine du trafic, vers les principaux FAI en France (fin 2023). Extrait du rapport 2024 de l’Arcep sur l’état de l’Internet en France.

Le trafic entrant des quatre principaux opérateurs français représente fin 2023 46,5 Tbit/s, soit une augmentation de 7,6 % en 2023 – l’augmentation était de 21,5 % en 2022. Résultat, « la croissance totale du trafic sur 2023 par rapport à 2022 est certes divisée par trois (de 21 à 7 %), mais le marché continue quand même de croître », a précisé l’Arcep pendant la conférence de presse.

Adoption de l’IPv6 : des progrès mais des disparités

Côté transition vers l’IPv6, les progrès sont là, mais avec des disparités. Pour rappel, l’IPv4, la quatrième version de l’Internet Protocol utilisée depuis 1983, est en passe d’être remplacée par l’IPv6, la sixième version de ce protocole de communication, « qui permet un service d’adressage unique pour l’ensemble des terminaux utilisé sur internet ».

La transition vers l’IPv6, qui doit s’achever en 2030, est un enjeu majeur, a rappelé l’Arcep. Tout retard dans le développement de l’IPv6 entraînerait « le risque d’une scission en deux d’internet, avec IPv4 d’un côté et IPv6 de l’autre ». Si un site Web ou une application est hébergé en « IPv6-only », il n’est pas accessible aux utilisateurs qui n’ont qu’une adresse IPv4, a ajouté l’autorité dans son rapport.

ipv6 Arcep
© Arcep. État de l’avancement de la transition vers l’IPv6 en France. Extrait du rapport sur l’état d’internet en France 2024 de l’Arcep.

Mi-2023, 81 % des clients fixes (FttH, câble, ADSL) et 66 % des clients mobiles sur le marché grand public sont connectés en IPv6. Mais seuls 31 % des sites web sont disponibles en IPv6. Et l’autorité note « des disparités importantes entre opérateurs, en particulier en ce qui concerne l’activation d’IPv6 sur les offres professionnelles ». « Dans ses autorisations de fréquence, depuis la 5G, il y a pourtant des obligations des opérateurs d’avoir des équipements prêts pour IPV6 », a rappelé pendant la conférence l’Arcep. 

Arcep IPv6 opérateurs
© Arcep. Taux de clients ayant activé l’IPv6 chez quatre opérateurs. Extrait du rapport sur l’état d’internet en France 2024 de l’Arcep.

Risques d’enfermement, information fausse ou biaisée… Les risques de l’IA générative

Enfin, et c’est une première pour l’Arcep, le rapport comprend un chapitre dédié aux enjeux de l’arrivée de l’IA générative sur le Net, du point de vue du réseau, des contenus et des utilisateurs. Le gendarme français évoque « l’enjeu plus nouveau lié à l’impact du développement de l’IA générative sur Internet vis-à-vis de l’ouverture d’Internet et de la possibilité des utilisateurs d’accéder, mais aussi de mettre à disposition le contenu de leur choix sur Internet », a rappelé Sandrine Elmi Hersi, cheffe de l’unité « Internet ouvert » à l’Arcep, en introduction de la table ronde. En d’autres termes, « comment garantir le développement de l’IA générative comme un bien commun et participant à la richesse du contenu en ligne et à la liberté des utilisateurs sur Internet ? », a-t-elle ajouté.

Les agents conversationnels comme ChatGPT ou Gemini pourraient en effet à terme devenir des « nouvelles passerelles qui s’affirment et se consolident entre l’utilisateur et son contenu », « une porte d’entrée que les utilisateurs devront, dans la plupart des cas, emprunter pour accéder au contenu et à l’information en ligne ». Ils pourraient devenir des nouvelles interfaces susceptibles de remplacer certains services numériques traditionnels (moteurs de recherche, plateformes, sites), note l’Arcom. Avec comme possible conséquence, un « appauvrissement de l’espace informationnel », ont relevé les participants à la table ronde.

Citée dans le rapport, Marie-Laure Denis, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), exprime les mêmes craintes. « L’IA générative est susceptible d’accentuer les risques d’enfermement et de “bulles algorithmiques” du fait d’une perte de contrôle de l’utilisateur sur ses choix en ligne, devant se remettre à un nouvel intermédiaire ». Ces systèmes reposent sur « des systèmes algorithmiques très puissants mais qui présentent encore des difficultés à expliquer ce qui a guidé leurs recommandations, y compris les sources utilisées », ajoute-t-elle.

Sans compter les erreurs (appelées « hallucinations ») dont ces outils sont coutumiers. L’Arcep prend ainsi l’exemple d’un usager souhaitant s’informer en ligne. Une IA générative pourrait vous proposer « un résumé de l’actualité, prétendant avoir lu toute la presse et l’actualité internationale ». Mais comment s’informe-t-elle, peut-(elle) reconnaître les fausses informations ? Quels sont ses biais idéologiques et quelle fiabilité accorder à son résumé, interroge l’Arcep. Si ces questions restent pour l’instant sans réponse, les experts présents à la table ronde évoquent la piste d’un « droit à un paramétrage du chatbot » pour les usagers.

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Source :

Rapport sur l’état de l’internet en France 2024



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