Le ministère de l’intérieur est favorable à une pérennisation de la vidéosurveillance dite « intelligente », expérimentée à des fins sécuritaires depuis plus d’un an, a appris Le Monde mercredi 2 octobre, confirmant des informations de « France Info ». « C’est en cours d’examen », explique le cabinet du ministre Bruno Retailleau, qui ajoute qu’une inscription dans la durée de ce dispositif, si elle est proposée, devra passer par un texte de loi.
A l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, une loi avait introduit l’expérimentation de cette vidéosurveillance algorithmique (VSA), une technologie qui analyse en temps réel les images provenant de caméras dans l’espace public de façon à détecter automatiquement des scénarios spécifiques.
Les textes prévoient ainsi, dans le cadre de cette expérimentation courant jusqu’en mars 2025, que des alertes peuvent être envoyées à l’opérateur des caméras lorsque certaines actions sont détectées : mouvements de foule, personne sortant une arme à feu, bagage abandonné, intrusion dans une zone interdite, etc. Cette technologie peut être déployée lors de manifestations culturelles et sportives présentant de grands risques en termes de sécurité publique, et doit faire l’objet, à chaque fois, d’une autorisation préfectorale.
Selon le cabinet du ministre de l’intérieur, le gouvernement est pour le moment dans l’attente du rapport du comité d’évaluation chargé de tirer les leçons de cette expérimentation, qui doit rendre ses conclusions avant la fin de l’année. Le préfet de Paris, Laurent Nuñez, s’était déjà, le 25 septembre, lors de son audition devant l’Assemblée nationale, exprimé en faveur d’une prolongation de ce dispositif.
Un bilan en attente
Quel bilan a été tiré de cette expérience pendant les Jeux olympiques et paralympiques ? Contactées par Le Monde, la RATP et la SNCF, qui participaient au projet, renvoient vers le ministère de l’intérieur. Mais depuis la fin des Jeux olympiques, peu d’informations ont filtré sur l’efficacité réelle de ce dispositif.
De premiers tests avaient été réalisés à l’occasion de matchs de football ou de concerts, avant le coup d’envoi des semaines olympiques. Lors de ces essais, la SNCF et la RATP avaient particulièrement souligné l’efficacité des technologies de détection d’intrusion – utiles pour alerter de la présence de personnes sur les voies – tout en émettant des doutes sur d’autres outils, comme la détection de bagages oubliés.
La VSA, dont l’efficacité en matière sécuritaire fait encore débat, reste une technologie polémique, dont une possible pérennisation inquiète certains défenseurs des libertés numériques. Ils y voient notamment les prémices d’un développement de la reconnaissance faciale, dont l’usage en temps réel est en principe interdit en France. « Ces technologies sont l’avènement d’un projet de fantasme policier, cette “surveillance permanente, exhaustive et omniprésente” dont parlait Michel Foucault dans Surveiller et punir », souligne jeudi Félix Treguer, membre de la Quadrature du Net, dans une interview accordée au Point.
Pourquoi la vidéosurveillance algorithmique fait-elle tant débat ? Comprendre en trois minutes
Pendant la quinzaine olympique, 485 caméras de surveillance ont été pilotées par un logiciel d’intelligence artificielle, à titre d’expérimentation. La vidéosurveillance algorithmique (VSA) est une technologie qui fonctionne avec le réseau existant de caméras de vidéosurveillance. Le but est de les rendre « intelligentes » en faisant passer les images capturées dans un logiciel utilisant l’intelligence artificielle. Actuellement, l’objectif n’est pas de reconnaître des visages, mais de détecter des situations considérées comme « suspectes ». Cela peut être des mouvements de foule, des chutes, des départs de feu, des armes, etc.
Jusqu’à présent, ce travail d’analyse d’images était principalement le fait d’opérateurs de vidéosurveillance, qui alertaient ensuite la police. La promesse de cette technologie est d’aider ces agents à traiter une quantité exponentielle d’images de vidéosurveillance.
Pour ses détracteurs, cette surveillance boostée à l’intelligence artificielle pose de nombreuses questions, notamment en matière de respect de la vie privée et de partis pris discriminatoires.
Dans cette vidéo, nous revenons sur le fonctionnement de la vidéosurveillance algorithmique et ses enjeux. Nous interrogeons également Katia Roux, chargée de plaidoyer chez Amnesty International France, responsable des questions « technologies et droits humains », sur les problématiques que soulève cette nouvelle technologie. Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire l’article ci-dessous sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public.
« Comprendre en trois minutes »
Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram et Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.