Le lobbyiste Jean-Pierre Duthion a été placé en garde à vue dans une enquête sur des soupçons de corruption et de trafic d’influence, a appris, mardi 3 octobre, l’Agence France-Presse auprès d’une source proche de l’enquête, confirmant une information de Radio France.
M. Duthion est entendu dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le Parquet national financier (PNF) pour des soupçons de trafic d’influence, corruption d’agent public national et corruption privée, ouverte après une plainte de BFM-TV et un article du Monde, en collaboration avec le collectif de journalistes d’investigation Forbidden stories.
L’enquête porte sur des soupçons d’ingérence étrangère, passant par Jean-Pierre Duthion, dans le travail de l’ex-journaliste de BFM-TV Rachid M’Barki. Cela concerne une douzaine de brèves illustrées en images, ayant trait aux oligarques russes, au Qatar ou au Sahara occidental.
Présentateur des journaux de la nuit, M. M’Barki a été licencié en février pour faute grave par le groupe Altice, auquel appartient cette chaîne. Une plainte contre X pour corruption passive et abus de confiance a été déposée.
Agent d’influence
En déplorant un « lynchage médiatique », le journaliste de 54 ans a toutefois admis avoir fait passer à l’antenne des images fournies par Jean-Pierre Duthion, décrit comme l’un de ses informateurs.
Lundi, Nabil Ennasri, un politologue français spécialiste du Qatar, a également été placé en garde à vue dans le cadre de cette enquête. Il l’était toujours mardi après-midi, a précisé la source proche du dossier.
Les enquêteurs s’interrogent sur le rôle que cet auteur de plusieurs ouvrages sur le Qatar aurait éventuellement joué, notamment au moment de la Coupe du monde de football, comme agent d’influence au profit de la monarchie qatarie, selon le journal Le Parisien.
Le domicile de M. Duthion avait été perquisitionné le 27 septembre, tout comme le bureau à l’Assemblée nationale du député écologiste Hubert Julien-Laferrière, qui s’est depuis mis en retrait de son groupe. Les magistrats financiers se demandent si l’élu écologiste du Rhône aurait vanté en février 2022 le limocoin, une cryptomonnaie qui s’est avérée être une escroquerie, à la demande du lobbyiste et pour d’éventuelles contreparties.
« Story Killers », enquête sur les mercenaires de la désinformation
Durant plusieurs mois, une vingtaine de rédactions, dont celle du Monde, ont enquêté, au sein du consortium Forbidden Stories, sur les entreprises spécialisées dans les manipulations d’opinions publiques et la diffusion de fausses informations. Dans le cadre de ce projet baptisé « Story Killers », trois journalistes du consortium ont notamment pu participer, en se faisant passer pour des intermédiaires d’un potentiel client français, à plusieurs rendez-vous avec des officines vendant des outils d’influence « clés en main ».
Cette enquête a notamment permis de révéler l’existence de « Team Jorge », une très discrète société israélienne qui revendique son ingérence dans plusieurs dizaines d’élections à travers le monde. Elle offre à ses clients un arsenal de services illégaux, depuis le piratage des boîtes e-mail et messageries privées d’adversaires jusqu’à la diffusion massive de campagnes d’influence grâce à un gigantesque réseau de faux comptes sur les réseaux sociaux.