Le luxe n’a pas trop souffert de l’inflation, contrairement à d’autres industries. Il bénéficie également de marges confortables, qui peuvent dépasser les 30% pour les plus grandes entreprises du secteur. De quoi a priori leur permettre de financer des investissements en IA ?
En théorie car le luxe ne se positionne pas parmi les têtes de série en matière d’adoption de l’intelligence artificielle. C’est ce que souligne le rapport réalisé par Bain & Company et le Comité Colbert, une association réunissant près de 100 maisons de luxe françaises.
Oui à l’IA comme outil d’aide à la décision
L’industrie ne part pas de zéro. Elle rechigne moins par exemple à s’équiper de solutions d’IA analytique consistant à mettre la donnée au service de la prise de décision. La finalité est simple : compiler et analyser des données structurées grâce à l’IA “pour produire des outils d’aide à la décision.”
“Les domaines d’application sont variés, incluant la classification, la prédiction, la reconnaissance et l’évaluation”, précise le rapport. Mais outre le pilotage, les acteurs du marché se montrent encore récalcitrants.
Parmi les membres du Comité Colbert, chaque maison a en moyenne adopté moins de deux cas d’usage parmi les 20 listés. Une transition s’opère néanmoins, suggèrent les auteurs qui prévoient l’amorce d’une forte accélération de l’adoption de l’IA pour les 12 à 24 prochains mois.
Priorité à l’efficacité opérationnelle
“En effet, de nombreux pilotes sont en cours : chaque Maison teste ou planifie actuellement plus de 5 cas d’usage supplémentaires en moyenne”, évalue l’étude. D’importantes disparités sont à noter toutefois.
La taille constitue un critère discriminant. Ainsi, trois fois plus de cas d’usage sont aujourd’hui déployés au sein des grandes entreprises du luxe, dont LVMH. L’écart devrait néanmoins se réduire, en particulier grâce à l’appui de l’IA générative.
Et si le luxe affiche un certain retard (du moins en comparaison des plus avancés), c’est en raison de barrières finalement assez classiques : un manque d’expertise et de ressources, ainsi que la gestion des données.
Des résistances vis-à-vis de l’IA pour la créativité
Les maisons invoquent aussi des risques liés à la propriété intellectuelle, qui concernent toutefois spécifiquement les usages des technologies d’IA générative. Sur les objectifs poursuivis grâce à l’IA, ils sont là aussi communs à d’autres industries.
L’étude cite ainsi l’efficience opérationnelle, la relation client et le collaborateur augmenté. L’enrichissement des fonctions créatives est plus propre au luxe, mais c’est aussi le cas d’usage le moins répandu.
En effet, c’est l’efficience opérationnelle qui enregistre “les plus hauts niveaux d’adoption : 60% des Maisons ont adopté ou testent des solutions de prévision des ventes reposant sur l’IA et 50% des solutions d’allocation des stocks.”
En comparaison, le recours à l’IA au sein du processus créatif affiche un taux d’adoption inférieur à 5%. Les entreprises du secteur “restent les plus réservées” dans ce domaine du fait d’un taux d’acceptation “limité.”
Une révolution discrète en cours
Malgré des réserves évidentes à l’égard de certaines applications de l’IA, le luxe jugerait son potentiel “immense”. Une hypothèse étayée par une hausse du nombre de pilotes en cours. Il devrait a minima doubler à court terme.
L’industrie du luxe pourrait néanmoins continuer à se montrer pudique sur ses usages de l’IA. Bien que “convaincue” que l’IA soit un outil “puissant”, elle estime qu’il “doit rester discret”. Motif ? “L’artifice de la technologie reste avant tout au service de l’authenticité, l’exclusivité et l’intimité qui sont les promesses centrales du secteur.”
Bénédicte Épinay, déléguée générale du Comité Colbert, décrit l’adoption de l’IA comme une rencontre entre “l’excellence artisanale” et “l’avant-garde numérique.” Et si cette rencontre promet “une révolution”, il importe qu’elle demeure “discrète.”