Nous vivons une époque incertaine et déroutante. Tandis que nous affrontons pandémies, changement climatique et vieillissement de la population au sein des grandes économies, l’intelligence artificielle (IA) est sur le point de transformer le monde tel que nous le connaissons.
Si l’on en croit les acteurs de l’industrie ou les commentateurs technologiques des principaux journaux, la mise au point de l’intelligence artificielle générale (IAG) – une technologie d’IA capable d’accomplir n’importe quelle tâche cognitive humaine – est imminente. Le débat tourne principalement autour de la question de savoir si ces formidables capacités nous rendront prospères au-delà de nos rêves les plus fous, ou si elles seront au contraire synonymes de fin de la civilisation humaine à travers l’asservissement des êtres humains à des IA superintelligentes.
Or, lorsque l’on se penche sur ce qu’il se passe dans l’économie réelle, on n’observe jusqu’à présent aucune rupture. L’IA n’a pour l’heure apporté aucun avantage révolutionnaire sur le plan de la productivité. Contrairement à ce qu’annonçaient de nombreux experts, nous avons encore besoin de radiologues, de journalistes, de juristes, de comptables, de personnel administratif et de conducteurs de véhicules.
Comme je l’ai écrit [dans la revue Economic Policy], il ne faut pas s’attendre à ce que beaucoup plus de 5 % des tâches humaines soient remplacées par l’IA au cours des dix prochaines années. Les modèles d’IA ont besoin de bien davantage de temps pour acquérir les capacités de discernement, le raisonnement et les facultés sociales nécessaires dans la plupart des emplois.
Les acteurs du secteur devenant de plus en plus affirmatifs quant à la rapidité des avancées, il n’est certes pas impossible que des progrès majeurs viennent changer la donne plus tôt que prévu. Mais l’histoire abonde d’ambitieuses annonces formulées par des initiés, puis démenties. Au milieu des années 1950, Marvin Minsky, considéré comme le père de l’IA, prédisait que les machines surpasseraient les humains en quelques années seulement.
Il vous reste 81.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.