Si vous êtes une femme et que vous passez souvent à Châtelet-Les Halles, en plein cœur de Paris, vous avez peut-être déjà été confrontée à des « philogynes ». Il s’agit de groupes d’hommes de 20 à 30 ans, qui se retrouvent pour aborder le plus de femmes possible dans la rue en un temps record, comme le faisaient en leur temps les « séducteurs » de la communauté des « pick-up artists » – sans se revendiquer clairement de cette ascendance.
Cette activité est ce que les philogynes appellent du « badinage ». Dans le documentaire Mascus. Infiltration chez les hommes qui détestent les femmes de France.tv, diffusé depuis avril, le journaliste Pierre Gault s’infiltre dans une conversation privée sur Discord et participe, gêné, à deux de ces sessions virilistes chronométrées.
Ici « la femme n’est qu’un chiffre, un défi, rien d’autre. Peu importe la fille, la conquérir, c’est se prouver qu’on est un homme », conte Pierre Gault en voix off. Même plus vraiment une femme-objet, une simple femme-data. Puis, il s’agit de faire un débrief de sa chasse en ligne, avec le nombre de femmes abordées, de rejets et de numéros pris (souvent faible, comme on pouvait s’y attendre).
Hétéros en galère affective
A l’origine, un « philogyne » désigne un adorateur des femmes. Le terme a été déterré d’un dictionnaire poussiéreux par le chef de file de la communauté, Léo. Sur sa chaîne YouTube Les philogynes, suivie par plus de 120 000 abonnés, il dévoile des « techniques controversées (mais redoutables) », à destination d’hommes hétérosexuels en galère affective. D’après les photocopies de ses diplômes sur son site, il serait titulaire d’un master de psychologie.
De la supposée « crise de la masculinité » émane alors un mercantilisme décomplexé. Pour s’abonner à son boys club, « véritable laboratoire en matière de psychologie de la séduction », il faut débourser la modique somme de 336 euros par an afin d’obtenir un suivi personnalisé chaque mardi soir, un accès au salon privé Discord ainsi qu’aux sorties « badinage ». Sinon, pour une séance de coaching d’une heure au téléphone avec Léo, comptez 300 euros.
Hostile aux études de genre, le philogyne, biberonné aux discours rances d’Eric Zemmour et d’Alain Soral, se reconnaît davantage dans les théories essentialistes liées à la biologie (« Les femmes sont-elles irrationnelles ? », « Ce que Tinder fait au cerveau des femmes »).
Le journaliste Paul Conge, auteur de l’essai Les Grands-Remplacés. Enquête sur une fracture française (Arkhé, 2020), a lui aussi infiltré ces groupes il y a quatre ans. Dans son livre, il mentionne certains messages vocaux qu’il a pris le soin d’enregistrer. Comme celui dans lequel Léo donne des conseils pour lever la « last minute resistance ». Soit le fait de « tordre le consentement » d’une femme quand elle refuse au dernier moment d’avoir un rapport sexuel.
Il vous reste 10.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.