Il était nécessaire de « heurter les consciences », afin de « crever ce mur de l’indifférence » entourant la réalité sordide du milieu pornographique, assume Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Avec son rapport « Pornocriminalité. Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique », l’objectif est atteint. Ce travail-choc, qui doit être remis officiellement mercredi 27 septembre à Bérangère Couillard, la ministre déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes, dresse un état des lieux terrifiant.
Pendant plus d’un an, la commission « violences faites aux femmes » du HCE s’est penchée sur les vidéos proposées aux internautes amateurs de porno. Elle a organisé de nombreuses auditions, recensé la littérature existante et mené une étude, en mars, sur quatre plates-formes pornographiques (PornHub, Xhamster, Xvideos, Xnxx). Plus de 230 pages restituent ces investigations, accompagnées d’un cri d’alarme du HCE, qui entend « alerter sur les atteintes graves à la dignité humaine et les conséquences graves de la diffusion illimitée et illégale de ces contenus sexuels ».
Violences physiques, agressions verbales et, dans bien des cas, actes de torture et de barbarie… Les contenus proposés regorgent d’images non seulement choquantes et avilissantes pour les femmes (en grande majorité) mais sont aussi passibles de sanctions pénales au regard de la législation française, dénonce le HCE.
L’instance consultative, chargée d’orienter la politique du gouvernement en matière d’égalité, reprend à son compte les propos de Laure Beccuau, procureure de la République de Paris. Auditionnée par le Sénat, qui avait consacré, en septembre 2022, le premier rapport parlementaire, intitulé « L’envers du décor », à ce sujet, la magistrate estimait que « 90 % des contenus pornographiques contiennent de la violence physique ou verbale, et sont donc pénalement répréhensibles ». « Notre rapport se veut un approfondissement et un prolongement de celui du Sénat », précise Mme Pierre-Brossolette.
« Femmes torturées, asphyxiées »
En effectuant une recherche sur quatre sites diffuseurs de tels contenus en France, le HCE a comptabilisé 70 118 vidéos sous le mot-clé « surprise », 13 898 sous celui de « torture ». Au moins 1,4 million de vidéos contenant des pratiques sadiques sont recensées. On y trouve « des femmes torturées par électrocution, des femmes asphyxiées dans des sacs plastiques, des femmes hurlant de douleur ». Or, dans ces vidéos accessibles en quelques clics, les actes ne sont pas simulés. C’est une « réalité effrayante : une partie importante des vidéos pornographiques diffusées sont des vidéos de viols filmés, du “revenge porn”, ou elles ont été obtenues par la contrainte dans des réseaux d’exploitation sexuelle, souligne le rapport. La souffrance est parfaitement visible et en même temps érotisée ».
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