Le régulateur britannique de la concurrence a rendu un premier avis défavorable au rachat d’Activision Blizzard par Microsoft, le 8 février. La Competition and Markets Authority (CMA) considère que l’acquisition par le constructeur de la Xbox du premier éditeur de jeux vidéo américain, propriétaire des franchises Candy Crush, Call of Duty ou World of Warcraft, pourrait causer des « préjudices » aux consommateurs britanniques. Cette opération à 69 milliards de dollars, un montant record dans l’industrie vidéoludique, avait été annoncée en janvier 2022.
« L’acquisition d’Activision par Microsoft pourrait avoir comme conséquence une augmentation des prix, moins de choix ou d’innovations pour les joueurs du Royaume-Uni », juge la CMA au terme de cinq mois d’enquête.
« Call of Duty » dans le viseur
L’agence britannique craint en premier lieu que les jeux d’Activision deviennent des exclusivités Xbox. Cela « affaiblirait la compétition entre les consoles Xbox et PlayStation » au Royaume-Uni, considère l’agence. La franchise Call of Duty est régulièrement citée, puisque ses épisodes sont des best-sellers internationaux : les ventes du dernier épisode en date, Modern Warfare II, ont par exemple rapporté un milliard d’euros en à peine dix jours fin octobre-début novembre. Dans un second temps, la CMA redoute que Microsoft n’affaiblisse le marché du cloud gaming, c’est-à-dire du jeu en streaming, dont elle possède 60 à 70 % des parts de marché.
Le régulateur britannique a donné jusqu’au 22 février à Microsoft pour répondre à ses préoccupations ; son avis définitif sera rendu avant la date butoir du 26 avril. L’agence britannique suggère différents types de solutions, évoquant tour à tour des « garanties du comportement » de Microsoft, l’annulation de l’absorption ou la cession partielle des activités liées à Call of Duty et World of Warcraft.
Rima Alaily, directrice juridique adjointe de Microsoft, a répondu que l’entreprise allait donner des « solutions simples, efficaces et applicables. Nous nous sommes engagés à garantir sur le long terme un accès égal à Call of Duty à Sony, Nintendo, Steam et les autres pour préserver les bénéfices de ce rachat pour les joueurs comme les développeurs et augmenter la compétition sur le marché ». Quant à Robert Kotick, le PDG d’Activision Blizzard, il se dit confiant : « La loi et les faits sont de notre côté », a-t-il affirmé par e-mail aux plus de 10 000 salariés de l’entreprise.
Parcours d’obstacles pour Microsoft
Aux Etats-Unis et dans l’Union européenne aussi, l’acquisition d’Activision Blizzard est scrutée par les régulateurs des marchés. La Federal Trade Commission (FTC) américaine a lancé des poursuites judiciaires en décembre pour tenter de bloquer le rachat. Le procès sera organisé en août.
De son côté, la Commission européenne a émis de nombreuses réserves en novembre. Elle redoute que Microsoft puisse « verrouiller l’accès aux jeux vidéo d’Activision Blizzard pour consoles et PC » ainsi qu’une hausse des prix. L’exécutif européen a lancé une enquête et devrait rendre son verdict d’ici au 11 avril. L’absorption a toutefois déjà été validée par les régulateurs de la concurrence brésilien, chilien et saoudien.
Ce n’est pas la première fois que la CMA durcit le ton face à un géant des nouvelles technologies. L’année dernière, elle a forcé Meta, la maison mère de Facebook, à revendre Giphy, une plateforme de partage de GIF, après une opération d’un montant de 315 millions de dollars annoncée en 2020.