Il est 7 h 45. Le wagon est silencieux. Dans ce Nantes-Paris, tout le monde somnole pour récupérer quelques minutes de sommeil. Sauf… le passager de la place 56. Qui s’ennuie ferme. Alors, pour passer le temps, son regard est rivé sur l’écran de son smartphone, où défilent les publications des réseaux sociaux. A chaque mouvement de doigt, une nouvelle vidéo se lance, et le son avec elle. L’homme n’a pas d’écouteurs. La rame entière profite de cette succession de contenus. Scène banale du quotidien.
Métro parisien. Sur des strapontins de la ligne 9, deux jeunes filles rient. Elles ont une quinzaine d’années. Face à elles, un téléphone en mode FaceTime. Sujet de l’échange à distance : le rencard de leur copine. Sur haut-parleur (le sait-elle ?), cette dernière raconte dans les détails la soirée passée avec ce garçon. Détails crus, intimes, dévoilés à l’assemblée, sans filtre. Scène banale du quotidien.
Chaque jour, partout, ils surfent sur leur téléphone, font défiler des Reels, écoutent de la musique, regardent des films, font des jeux dans l’espace public… sans écouteurs et sur haut-parleur. Un « généreux » partage qui indiffère autant qu’il irrite. Quand certains ne le remarquent même plus, d’autres bouillent à l’intérieur.
Pourquoi faire profiter ses congénères d’une chanson – qu’ils la détestent ou non – ou d’une conversation à laquelle personne ne peut (veut) participer ? Pourquoi exposer la sphère privée dans l’espace public ? Pour les principaux concernés, les raisons sont multiples. Et souvent justifiées.
« La flemme de mettre les écouteurs »
Les yeux braqués sur son téléphone, Florian, la trentaine, regarde des voitures tourner sur un circuit de F1. La compétition se déroule en direct et il n’en perd pas une miette depuis la file d’embarquement de son avion, prêt à s’envoler pour Madrid. « J’ai des écouteurs dans ma poche, mais là, comme je discute en même temps avec ma compagne, ce n’était pas pratique. Du coup, j’ai la flemme de les mettre. Et comme les commentaires des présentateurs ne m’intéressent pas, ce n’est pas grave si j’entends mal », explique-t-il. Le reste des passagers est également convié d’autorité à cette orgie motorisée.
Félix, lui, a 32 ans, il est dessinateur et vit à Dijon. Il avoue à demi-mot utiliser le haut-parleur de son téléphone. Mais il tente d’être le plus discret possible. « Il m’arrive régulièrement d’écouter mes messages vocaux sans casque, parce que je n’en ai jamais un avec moi. Mais, comme je ne suis pas un sagouin, je mets le volume très bas et je colle l’appareil sur mon oreille. Et si j’écoute de la musique fort sur mon vélo, j’évite celle qui crachote, autant pour moi que pour les autres. »
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