Ce qui peut paraître de la science-fiction est, en réalité, le principe du serverless. Faire bénéficier le client d’une expérience fluide, qui pourrait quasiment lui faire oublier l’existence du serveur. C’est la toute dernière tendance à explorer, dans la continuité des efforts pour rendre le cloud plus simple d’utilisation, plus accessible, pour un meilleur rapport coût-efficacité.
Bien qu’il reste encore du chemin à parcourir avant de pouvoir déployer des applications entières via le serverless, de grandes avancées ont été effectuées en ce qui concerne la séparation des fonctions et des autres services. La dernière évolution de serverless permet aux entreprises et organisations d’éliminer une part considérable des frais généraux et des travaux de routine en automatisant différentes tâches liées à l’infrastructure.
Le serverless : l’aboutissement
Ces 20 dernières années, l’évolution du cloud a surtout consisté à faciliter d’utilisation des solutions, permettant ainsi aux entreprises de scaler et de se concentrer sur leurs activités à forte valeur ajoutée. Nous sommes passés de l’ère du Bare Metal à celle du serverless. Alors qu’auparavant, il était normal de tout faire soi-même, il est de plus en plus courant de laisser (presque) tout le travail au fournisseur cloud. Pour mieux comprendre les différentes étapes de cette évolution, la meilleure analogie est celle présentée dans le schéma ci-dessous : « Pizza en tant que service ». Elle compare les différents processus de création de logiciels à la préparation d’une pizza (de A à Z, à partir d’ingrédients prêts à l’emploi, pizza livrée à domicile ou au restaurant).
Le serverless n’est que la suite logique de cette évolution. En effet, pour la vaste majorité des entreprises, la maintenance des serveurs n’est rien de plus qu’une dépense nécessaire à leur présence sur internet. Elles ont besoin de serveurs, de systèmes pour gérer les données, et se doivent d’assurer leur sécurité et leur confidentialité, mais ce n’est pas leur cœur de métier.
La gestion de serveurs consiste à exécuter des tâches répétitives, et donc pouvant facilement être automatisées.
Les marketplaces (ou places de marché en ligne) offrent un bon exemple de cas d’usage du serverless. Elles s’apparentent beaucoup du point de vue de l’infrastructure : elles possèdent toutes un site web front-end, une API qui s’exécute sur des serveurs, quelques outils ETL, une base de données et un « data warehouse » (entrepôt de données). Leur charge de travail est variable, c’est pourquoi la quasi-totalité de cette infrastructure doit pouvoir augmenter ou diminuer sa puissance en fonction du besoin. Opter pour du calcul et du stockage serverless signifie donc confier tout le travail au fournisseur cloud, à l’exception, bien sûr, de la logique métier qui fait la spécificité d’une marketplace.
En fin de compte, l’automatisation, l’utilisation de ressources partagées et la baisse du besoin en techniciens internes contribueront à diminuer les coûts d’exploitation pour les entreprises. De quoi motiver l’adoption en masse du serverless.
Pourquoi le Bare Metal n’a pas dit son dernier mot
Si par « Bare Metal » on entend « salle informatique au sous-sol de l’entreprise », alors il est effectivement obsolète, et ce depuis plus d’une dizaine d’années. En raison de l’essor du cloud, héberger ses serveurs sur site est devenu contre-productif en raison de la complexité et des coûts de gestion. Le Bare Metal revient plus cher parce qu’il faut payer, non seulement une infrastructure dédiée, mais aussi des techniciens pour la configurer et l’opérer.
Ceci dit, le coût n’est pas le seul critère à peser dans la balance. En raison de deux autres facteurs fondamentaux : la confidentialité et la performance, le Bare Metal restera d’actualité malgré l’existence des machines virtuelles (VM), des bases de données cloud et du Serverless.
Confidentialité : à qui confier vos données ?
Les entreprises qui mettent leurs données dans le cloud s’en remettent entièrement à leur fournisseur. Cela demande un acte de confiance qui en fait hésiter plus d’un, et qui est impossible à d’autres car ils détiennent des données trop sensibles pour les confier à un tiers. On a en effet du mal à imaginer les services secrets passer au cloud public.
Les organisations secret défense ne sont d’ailleurs pas les seules à se préoccuper de questions de confidentialité. De plus en plus d’entreprises s’inquiètent de la souveraineté des données et veulent savoir qui a compétence sur les données stockées dans les datacenters. Les utilisateurs du cloud, en particulier ceux qui traitent des données sensibles, doivent donc choisir leurs hébergeurs avec précaution. A cet égard, le cloud européen, dont les fournisseurs sont tenus de respecter un règlement très strict sur la protection des données, rencontre un succès grandissant. Malgré tout, il est probable que de nombreuses organisations continuent à choisir la sécurité apparente de leur propre salle informatique.
La présence physique joue également un rôle, quoique moins important. En effet, les organisations un peu « vieux jeu » aiment pouvoir situer le lieu physique où sont stockées leurs données et ont du mal à accepter que ces dernières soient « on ne sait où, dans le cloud ». Cela peut faire sourire la nouvelle génération native du cloud pour qui le cloud est un incontournable de l’informatique moderne, mais ce comportement représente un obstacle de taille pour le développement des services cloud, y compris du serverless.
Si l’on veut convaincre les entreprises et organisations de privilégier la commodité et la compétitivité des prix par rapport au contrôle sur leurs données, la confiance est primordiale. Ainsi, l’adoption de services cloud dépend de la capacité des fournisseurs à dissiper les doutes, à faire leurs preuves jour après jour et à inspirer confiance en leurs opérations.
Performance : le point fort du Bare Metal
Si nous pouvons nous attendre à ce que le Bare Metal perdure encore pendant les décennies à venir, c’est en raison de sa performance. Le cloud a beau avancer à grands pas, la demande en ordinateurs toujours plus puissants continue à croître. Or les machines Bare Metal répondent à la majeure partie de cette demande.
Un cas d’usage typique du Bare Metal est la recherche : une organisation spécialisée dans le développement de nouvelles technologies aura besoin de réaliser des simulations avec un parallélisme important et de grands volumes de données. Les chercheurs devront donc utiliser des clusters de machines dédiés pour exécuter leur code à grande échelle, transférant et traitant ainsi des téraoctets de données. Ces données doivent être réparties entre les machines Bare Metal sur une infrastructure réseau dédiée, et stockées dans des bases de données dédiées et performantes en toutes circonstances. Pour ces organisations, plus de performance signifie une recherche plus efficace, un développement des produits plus rapide et plus de prévisibilité.
Les clusters de calcul dédiés offrent un avantage marginal, au prix d’un investissement conséquent, mais que certains sont prêts à financer pour plus de performance et de fiabilité. Cependant, même si la demande pour ce type de machines a de beaux jours devant elle, elle concerne essentiellement des cas d’usages fortement consommateurs de ressources et nécessitant un degré élevé de performance. Or, pour la vaste majorité, des services cloud plus simples et abordables suffisent à répondre aux besoins des entreprises.
La décennie serverless
Le serverless est la nouvelle étape de l’évolution du cloud, un nouveau paradigme à explorer qui promet de rendre le cloud plus accessible et plus simple d’utilisation que jamais. Le Bare Metal deviendra-t-il pour autant obsolète ? La réponse est non, pour la même raison que les différentes solutions cloud qui lui ont succédé n’ont pas pu le remplacer. Ces deux technologies peuvent coexister car elles répondent à des besoins différents, pour des publics différents.
Cependant, à mesure que le serverless se développe et ouvre de nouvelles portes, il marquera un tournant pour les consommateurs et entreprises de toutes tailles en transformant la façon dont le monde perçoit et utilise les serveurs.
Il ne faut malgré tout pas s’attendre à ce que le serverless conquière le monde entier d’un seul coup. Son évolution se fera progressivement, à mesure de la montée du niveau d’abstraction. Il lui faudra encore résoudre les problèmes de confidentialité et de confiance, et remettre en question le statu quo.
Quoi qu’il en soit, les années 2020 seront connues comme les années serverless. Elles verront l’essor de l’intérêt pour le serverless, une accélération de son adoption et des cas d’usages de plus en plus complexes.
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