Il y a quelques jours, le 30 janvier 2024, Free a présenté sa nouvelle Freebox Ultra. L’une des innovations mises en avant par l’entreprise fondée par Xavier Niel est l’intégration du Wi-Fi 7, la dernière norme du Wireless Fidelity. Cette version a reçu sa certification finale de la part de la Wi-Fi Alliance en début d’année seulement, bien que certaines marques commercialisent depuis plusieurs mois des routeurs estampillés Wi-Fi 7, à l’image de TP-Link avec son Deco BE85. Si vous vous demandez ce que cette énième version apporte de neuf, voici un petit tour d’horizon de ses principales améliorations.
Pendant longtemps, le Wi-Fi est resté un moyen subalterne de se connecter à un réseau informatique : l’alternative subie d’un branchement filaire trop compliqué à mettre en place, ou simplement inadapté à un dispositif pensé pour être utilisé en mode nomade. Seulement de nos jours, ce mode de connexion concerne l’essentiel des produits : PC portables, tablettes, smartphones, montre connectées – jusqu’aux ampoules intelligentes.
Heureusement, au fil des normes, la qualité des connexions Wi-Fi n’a cessé de s’améliorer, tant en matière de débit que de stabilité. Aux bandes de fréquences historiques de 2,4 GHz et 5 GHz, le Wi-Fi 6E (802.11ax), ratifié en 2021, est venu en ajouter une troisième, celle de 6 GHz. De fait, les options proposées répondent déjà à l’écrasante majorité des usages domestiques actuels.
Le Wi-Fi 7, officiellement appelé 802.11be, s’appuie sur les fondements posés par les anciens standards, et prends toujours en charge les bandes 2,4 GHz, 5 GHz et 6 GHz. D’une certaine manière, cette nouvelle norme peut être perçue comme une synthèse de toutes les précédentes. Leur aboutissement, en quelque sorte. Pour quels bénéfices ? Nous tentons d’y répondre dans ce dossier.
Wi-Fi 7 : pas de nouvelle bandes de fréquences, mais des canaux de 320 MHz
Avant tout, commençons par poser le décors actuel. La bande 2,4 GHz reste couramment utilisée en raison de sa capacité à garantir des transmissions longue distance à travers un environnement saturé d’obstacles. Elle offre toutefois une largeur de spectre limitée (83,5 MHz) et utilise des petits canaux (20 MHz). Elle est également assez sensible aux interférences.
Le Wi-Fi sur la bande 5 GHz offre de meilleurs débits grâce à un spectre plus large (580 MHz) et une largeur de canal de 80 MHz voire 160 MHz. Enfin, le Wi-Fi 6E, a étendu le spectre de 5925 à 7125 MHz (dans certains pays) soit une largeur de 1200 MHz ; ajouté sept canaux de 160 MHz. Notez qu’en Europe, les fréquences ont initialement été bloquées entre 5945 MHz et 6425 MHz. Toutefois, en décembre dernier, à l’occasion de la CMR-23 (Conférence mondiale des radiocommunications), l’ITU (International Telecommunication Union) a ouvert 600 MHz supplémentaires dans la bande 6425-7025 MHz pour l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et certains pays d’Asie et d’Amérique du Sud.
Pour résumer simplement, la bande 2,4 GHz est mieux adaptée aux transmissions à longue distance à travers un environnement saturé d’objets, tandis que les bandes 5 et 6 GHz conviennent à des zones dégagées et peu étendues. Pour imager, beaucoup d’entreprises, dont Intel et Asus, utilisent une métaphore routière. Elles comparent le 2,4 GHz à une route de montagne à une voie. Celle-ci n’est pas faite pour supporter un trafic dense et de hautes vitesses, mais a l’avantage de pouvoir serpenter dans des paysages accidentés. Les bandes 5 GHz et 6 GHz sont comme de larges autoroutes qui autorisent un trafic chargé à des vitesses élevées, mais sont davantage soumises aux contraintes du terrain. Vous pouvez aussi voir le Wi-Fi 2,4 GHz comme un spaghetti, et le reste comme un rigatoni.
En matière de bande passante, au-delà des débits théoriques avancées par l’industrie, vous obtenez généralement 100 Mbit/s au mieux en Wi-Fi 2,4 GHz, 800 Mbit/s en Wi-Fi 5 GHz et un peu plus de 1,5 Gbit/s en Wi-Fi 6 GHz.
Le tableau ci-dessous vous donnera un aperçu plus clair des différentes normes. Le Wi-Fi 7 s’y trouve, et nous allons détailler ses spécificités une par une ci-dessous.
Appellation | WiFi 4 | WiFi 5 | WiFi 6 | WiFi 6E | Wi-Fi 7 |
Norme IEEE | 802.11n | 802.11ac | 802.11ax | 802.11ax | 802.11be |
Année de lancement | 2007 | 2013 | 2019 | 2021 | 2024 |
Débit maximal théorique |
600 Mbit/s | 3,5 Gbit/s | 9,6 Gbit/s | 9,6 Gbit/s | 46 Gbit/s |
Bandes | 2,4 GHz, 5 GHz | 5 GHz | 2,4 GHz, 5 GHz | 2,4 GHz, 5 GHz, 6 GHz | 2,4 GHz, 5 GHz, 6 GHz |
Sécurité | WPA 2 | WPA 2 | WPA 3 | WPA 3 | WPA 3 |
Taille du canal | 20 MHz, 40 MHz | 20 MHz, 40 MHz, 80 MHz, (2×) 160 MHz | 20 MHz, 40 MHz, 80 MHz, (7×) 160 MHz | 20 MHz, 40 MHz, 80 MHz, (7×) 160 MHz | 20 MHz, 40 MHz, 80 MHz, 160 MHz, 320 MHz |
Modulation | 64-QAM | 256-QAM | 1024-QAM | 1024-QAM | 4096-QAM |
Multiplexage spatial | 4×4 MIMO | 4×4 MIMO, DL MU-MIMO | 8×8 MU-MIMO | 8×8 MU-MIMO | 16×16 MU-MIMO |
RU | / | / | RU | RU | Multi-RU |
MU-MIMO, MLO, 4098-QAM… parachevé par une perforation du préambule
Pour commencer, le Wi-Fi 7 double la largeur maximale du canal, pour la faire passer de 160 MHz à 320 MHz. Idem pour le nombre de flux spatiaux MU-MIMO, qui passent de 8 à 16. Inutile de nous appesantir sur les 360 MHz, le principe reste le même que pour les précédentes normes : plus l’autoroute et large, plus de véhicules peuvent y circuler, pour filer la métaphore.
Au sujet de MU-MIMO, c’est le sigle de Multiple User – Multiple Input Multiple Output. Cela correspond tout simplement au nombre de flux utilisés pour communiquer avec plusieurs appareils simultanément. Cette technologie de multiplexage spatial a remplacé il y a plusieurs années le SU-MIMO (Single User – Multiple Input Multiple Output). Comme son nom l’indique, celui-ci limitait la transmission à un seul appareil à la fois. Le Wi-Fi 7 gère donc 16 flux au lieu de 8. Et tel que cela apparaît sur l’image de TP-Link, il faudra une famille très nombreuse pour le saturer… Précisons néanmoins que cette norme n’est pas obligatoire pour tous les appareils Wi-Fi 7.
L’un des autres atouts du Wi-Fi 7 est le MLO, Multi-Link Operation, appelé fonctionnement multi-liens en français. Avec les anciennes normes, les appareils utilisent une unique liaison pour transmettre des données : Wi-Fi 2,4 GHz, Wi-Fi 5 GHz ou Wi-Fi 6 GHz ; avec la capacité de changer en fonction des conditions (distance, interférences…), mais pas de les combiner. Il faut donc se satisfaire des avantages et inconvénients inhérents à chacune des bandes.
Le MLO permet l’agrégation, autrement dit une connexion simultanée sur toutes les bandes. Ce, soit pour de la redondance, soit pour augmenter le débit. Pour reprendre l’analogie routière, Intel illustre cette capacité par trois exemples plutôt évocateurs. Pour faire livrer des colis, vous pouvez en charger le plus possible sur plein de camions et les faire rouler tous en même temps ; dupliquer quelques colis sur deux camions afin d’être sûr de voir au moins l’une des deux cargaisons arriver ; mettre les colis sur un camion qui transite par l’autoroute et le bon de livraison, que nous considérerons ici comme moins prioritaire, dans la petite camionnette du postier qui prend la route de campagne. Vous l’aurez compris, l’idée générale est toujours la même : augmenter les débits, réduire la latence, améliorer la stabilité et mieux équilibrer le réseau.
Une autre partie du tableau qui nécessite quelques explications est la modulation ; plus précisément, la modulation d’amplitude en quadrature (QAM), une technique de transmission de signaux numériques. Les réseaux Wi-Fi 6 et 6E utilisent 1024-QAM, un système de modulation qui transporte 10 bits par symbole par sous-porteuse OFDM. Le réseau Wi-Fi 7 passe au 4098-QAM, soit 12 bits par symbole. Concrètement, retenez que l’augmentation théorique du débit est de 20 % entre les deux.
En dessert, place aux peu ragoûtants Multi-RU (unités de ressource) et à la perforation du préambule. Avec les anciennes normes, un appareil utilisant une partie du canal peut rendre ce dernier indisponible pour d’autres.
La perforation du préambule empêche qu’un canal occupé entrave l’utilisation de la bande de fréquences. Quant au Multi-RU, il apporte davantage de flexibilité en permettant d’allouer plusieurs RU à un seul utilisateur, voire d’en combiner. Grosso modo, le Wi-Fi 7 évite qu’un un canal entier soit monopolisé par un seul appareil connecté.
En matière de débit, le débit maximal théorique pour le Wi-Fi 7 s’élève ainsi à 46 Gbit/s, contre 9,6 Gbit/s pour le Wi-Fi 6E. La plupart des marques comme Intel ou MediaTek évoquent plutôt 5,8 Gbit/s par terminal. Factuellement, Intel évoque du streaming vidéo 8K, ou encore le transfert d’un fichier de 15 Go en 25 secondes au lieu d’une minute avec l’ancienne meilleure norme Wi-Fi.
Le Wi-Fi 7, c’est pour quand ?
Comme rapporté en début d’article, de nombreuses entreprises n’ont pas attendu la certification finale du Wi-Fi 7 pour commercialiser des routeurs. Ils sont désormais rejoints par des PC portables Razer Blade 16 ou l’Acer Swift Edge 16 cuvée 2024, qui proposent aussi du Wi-Fi 7. Maintenant que des entreprises comme Qualcomm, Intel, MediaTek ou encore Broadcom ont toutes des chipsets certifiés Wi-Fi 7, il faut s’attendre à l’arrivée de plus en plus de dispositifs compatibles. Néanmoins, prévoyez de nombreux mois, plus vraisemblablement années, avant que la norme ne se « démocratise » véritablement.
Un routeur Wi-Fi 7 peut toujours s’avérer utile sur un réseau local surchargé de fichiers volumineux avec des clients compatibles. Cependant, l’écrasante majorité des utilisateurs verra les bénéfices par le biais des box Internet. Naturellement, cette norme nécessite la fibre pour être parfaitement exploitée. Des opérateurs comme Free ou SFR promettent désormais jusqu’à 8 Gbit/s, tandis qu’Orange reste à 5 Gbit/s. Même sans atteindre de telles vitesses, le Wi-Fi 7 peut avoir un impact positif sur la connexion pour les diverses raisons exposées dans cet article.
Reste que pour l’instant, même chez les acteurs du secteur, le grand public n’est pas du tout la cible du Wi-Fi 7. Asus reconnaît que de tels routeurs ne sont pas adaptés au commun des utilisateurs à ce stade. Juan J. Guerrero, le directeur principal du marketing technique de la branche Amérique du Nord de la marque, a aussi déclaré que cette norme était surdimensionnée pour l’individu qui se contente de regarder du streaming 4K sur son téléviseur.
Chez une autre marque, TP-Link, trois cibles sont explicitement mises en avant. Les entreprises pour commencer, pour lesquelles il n’y a nul besoin d’épiloguer sur la nécessité d’avoir un réseau Wi-Fi stable et performant dans des environnements encombrés et potentiellement surchargés d’utilisateurs. Les seconds sont ce que la marque qualifie de « pionniers de demain », appellation qui rassemble essentiellement les utilisateurs de casque VR et consommateurs de vidéos 8K. C’est assez discutable, puisque même le dernier Apple Vision Pro se contente du Wi-Fi 6 (802.11ax). Enfin, les derniers prospects sont les fans d’IoT, dont les maisons sont surchargés d’appareils intelligents.
Bref, vous l’aurez compris, si vous vous contentez de regarder Neftlix et de surfer sur Internet depuis votre smartphone dans votre appartement de 30 m², seul, vous ne devriez pas trop vos préoccuper du Wi-Fi 7 pour le moment ; ni regarder votre pauvre box bloquée au Wi-Fi 5 avec mépris. Pour un foyer avec un grand nombre d’utilisateurs simultanés en revanche, les bienfaits se feraient davantage ressentir.
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