L’EFF propose d’aborder les prjudices en ligne avec des politiques « Privacy-First » Une loi sur la confidentialit des donnes, promouvant la vie prive, la libert d’expression et la scurit

81% des adultes rclament des mesures plus strictes pour la scurit en ligne des enfants Et demandent ce que les entreprises soient lgalement tenues responsables des incidents



L’Electronic Frontier Foundation a publi un nouveau livre blanc intitul Privacy First : A Better Way to Address Online Harms , qui propose une alternative aux « projets de loi souvent mal conus, rdigs par des rgulateurs tatiques, fdraux et internationaux pour s’attaquer un large ventail de sujets numriques allant de la scurit des enfants l’intelligence artificielle« . Selon l’EFF, « ces propositions parses visant corriger les prjudices en ligne sont souvent bases sur la censure et les cycles de l’actualit. Au lieu de cette approche chaotique qui conduit rarement l’adoption de bonnes lois, nous proposons une autre solution.« 

L’Electronic Frontier Foundation (EFF) est un groupe international but non lucratif de dfense des droits numriques pour promouvoir les liberts civiles sur Internet. L’EFF dfend les individus et les nouvelles technologies contre ce qu’elle considre comme des menaces juridiques abusives, fournit des conseils au gouvernement et aux tribunaux, surveille et conteste la lgislation potentielle qui, selon elle, porterait atteinte aux liberts individuelles.

quoi ressemblerait cette loi complte sur la protection de la vie prive ? L’EFF pense qu’elle doit inclure les lments suivants :

  • Pas de publicit comportementale en ligne.
  • Minimisation des donnes.
  • Consentement explicite.
  • Droits d’accs, de portabilit, de correction et de suppression des informations par l’utilisateur.
  • Pas de premption des lois nationales.
  • Une application stricte avec un droit d’action priv.
  • Pas de systmes de paiement pour la protection de la vie prive.
  • Pas de conception trompeuse.

Selon l’EFF, une loi solide et complte sur la confidentialit des donnes favorise la protection de la vie prive, la libert d’expression et la scurit. Elle peut galement contribuer protger les enfants, soutenir le journalisme, protger l’accs aux soins de sant, favoriser la justice numrique, limiter la collecte de donnes prives pour former l’IA gnrative, limiter la surveillance des gouvernements trangers et renforcer la concurrence. Il s’agit l de questions sur lesquelles les lgislateurs s’emploient activement lgifrer, dans le bon comme dans le mauvais sens.

Le respect de la vie prive d’abord : Une meilleure faon de lutter contre les prjudices en ligne

Voici un extrait de la politique « Privacy-First » de l’EFF :

Rsum

Les rgulateurs nationaux, fdraux et internationaux sont de plus en plus proccups par les prjudices qu’ils estiment causs par l’internet et les nouvelles technologies. La liste est longue : scurit des enfants, journalisme, accs aux donnes mdicales, justice numrique, concurrence, intelligence artificielle et surveillance gouvernementale, pour n’en citer que quelques-uns. Les histoires qui se cachent derrire sont importantes : personne ne veut vivre dans un monde o les enfants sont victimes d’abus, o on perd l’accs l’information, o on est confront une discrimination ou un pouvoir monopolistique surpuissants. Cette inquitude concernant l’impact de la technologie sur les valeurs n’est pas nouvelle non plus : de nombreuses volutions technologiques ont t accompagnes la fois d’inquitudes srieuses et de paniques morales dmesures. L’imprimerie, l’automobile, le victrola, la tlvision et le magntoscope ont tous suscit des appels l’adoption de nouvelles lois et rglementations.

Le problme, c’est que les lgislateurs semblent oublier la fort pour les arbres, en promouvant des propositions parses et dconnectes qui s’attaquent au mal peru qui provoque l’anxit publique la plus forte un moment donn. Trop souvent, ces propositions ne tiennent pas compte des consquences involontaires probables, ni mme de la question de savoir si la loi rduira rellement les dommages qu’elle est cense cibler.

Par exemple, les lgislateurs au niveau des tats et au niveau fdral tentent d’obliger les entreprises prives s’assurer que les gens (ou simplement les enfants) ne voient jamais de choses que ces lgislateurs ne veulent pas qu’ils voient en ligne. Pourtant, la lgislation va presque toujours l’encontre de la Constitution et des normes en matire de droits de l’homme. Elle laisse aux lus le soin de dterminer ce qui constitue un « prjudice« , et leurs opinions peuvent varier considrablement. Elle est galement inapplicable dans la pratique et susceptible de nuire aux personnes mmes qu’on veut protger.

Il est grand temps de rechercher des solutions globales qui permettent d’accomplir quelque chose de concret et d’ambitieux. Heureusement, il n’est pas ncessaire de chercher bien loin.

La vrit est que de nombreux maux de l’internet d’aujourd’hui ont une chose en commun : ils reposent sur un systme de surveillance par les entreprises. De nombreuses entreprises, grandes et petites, collectent des donnes sur les dplacements, les activits, les lectures, les contacts, etc. Elles utilisent ces donnes de multiples faons et, si cela convient leur modle conomique, peuvent les vendre quiconque le souhaite, y compris aux forces de l’ordre. La prise en compte de cette ralit commune permettra de mieux promouvoir les droits de l’homme et les liberts civiles, tout en laissant la place la libert d’expression, la crativit et l’innovation, que bon nombre des projets de loi spcifiques qu’on a vus au cours de la dernire dcennie.

En d’autres termes, quels que soient les prjudices en ligne qu’on souhaite attnuer, on peut le faire mieux, avec un impact plus large, si on s’occupe d’abord de la protection de la vie prive.

Quelques exemples :

  • Inquiet de l’impact des algorithmes des mdias sociaux sur la sant mentale des enfants ? L’accumulation actuelle de donnes personnelles – et l’industrie de la publicit qu’elle alimente – est le point de dpart de nombreux prjudices en ligne pour les enfants, notamment la perte de la vie prive, les publicits prdatrices et exploitantes qui ciblent les enfants les plus vulnrables leurs messages, et la discrimination rsultant des profils de consommateurs bass sur le sexe, l’ge, la race, etc. d’un enfant. Si on interdit la publicit comportementale en ligne, on supprime la plupart des incitations collecter et exploiter les prfrences des enfants pour les inciter acheter plus de choses, ainsi que la plupart des proccupations lies l’utilisation des mdias sociaux par les enfants. Il s’agit d’une stratgie qui se concentre sur les principales raisons sous-jacentes ces prjudices, plutt que d’essayer d’appliquer un pansement sur le dessus. Le droit relatif la protection de la vie prive protge tout le monde, y compris les enfants.
  • Inquiet de la manire dont les forces de l’ordre pourraient utiliser les applications sur lesquelles on compte pour poursuivre des patients ou des prestataires de soins de sant, qu’il s’agisse d’assistance mdicale la procration, d’assistance mdicale aux transsexuels ou d’autres domaines ? Adoptez une lgislation empchant la collecte, l’utilisation, la divulgation et la conservation des donnes au-del de ce qui est strictement ncessaire pour donner l’utilisateur ce qu’il a demand. Moins il y a de donnes collectes, moins elles peuvent tre utilises contre nous.
  • Inquiet que les grandes entreprises technologiques n’affaiblissent le journalisme local ? La protection de la vie prive peut contribuer uniformiser les rgles du jeu. Si on protge la vie prive en interdisant la « publicit comportementale » axe sur la surveillance (ou mme en la rendant rellement facultative, comme Apple l’a fait rcemment),on retire une grande partie de l’avantage dont jouissent actuellement les gants. Le fait d’exiger de chacun qu’il limite son suivi supprime une grande partie de l’avantage dont jouissent aujourd’hui les gants. Les « publicits contextuelles » peuvent limiter cet avantage concurrentiel revendiqu et protger les utilisateurs contre le pistage. Les gants de la technologie ont plus de mal s’emparer des vritables marchs de la publicit contextuelle. Si une entreprise technologique peut tout savoir de l’historique Internet d’un lecteur et de ses achats rcents, personne ne connat mieux le contenu d’une publication que son diteur direct.
  • Inquiet de l’absence gnrale de concurrence dans les mdias sociaux ? Une approche axe sur la protection de la vie prive, qui limite la quantit de donnes pouvant tre collectes et interdit les publicits comportementales, permettrait aux nouveaux arrivants d’tre sur un pied d’galit. En outre, si on facilite la capacit des utilisateurs transfrer leurs donnes et leurs connexions ailleurs, tout en protgeant la vie prive, on pourrait voir merger un ventail de choix et d’options. Le modle conomique de la surveillance des donnes a renforc le pouvoir des entreprises qui ont t les plus rapides collecter les informations les plus personnelles pour crer les profils d’utilisateurs les plus dtaills et les a incites utiliser ces donnes pour nous enfermer. Il est temps de rduire l’avantage et la course vers le bas crs par ce modle commercial.
  • Inquiet que des adversaires trangers espionnent les Amricains par l’intermdiaire d’applications spcifiques comme TikTok ou achtent des donnes amricaines auprs de courtiers en donnes ? Rduire la quantit d’informations que les entreprises technologiques peuvent collecter et, par consquent, limiter les informations qui peuvent tre vendues ou cdes. Donner aux utilisateurs le contrle de la conservation de leurs donnes et exiger un consentement explicite.
  • Inquiet de la partialit des systmes d’intelligence artificielle ? Mme rponse.

Une lgislation complte sur la protection de la vie prive ne rsoudra pas tout. Les enfants pourront toujours voir des choses qu’ils ne devraient pas voir. Les nouvelles entreprises devront toujours lutter contre les poches profondes de leurs concurrents gants de la technologie. Les gouvernements disposeront toujours d’outils pour surveiller directement les gens. Mais il en va de mme pour la plupart des propositions qui n’abordent pas directement la question de la protection de la vie prive. Une approche axe sur la protection de la vie prive permettrait d’attnuer un certain nombre de problmes et donnerait un peu de rpit pendant l’tude de la manire de terminer le travail.

Dcomposition : quoi ressemble une lgislation complte sur la protection des donnes personnelles ?

Toutes les lois sur la protection des donnes ne se valent pas. Des rgles compltes et bien rdiges en matire de protection de la vie prive prserveront le droit essentiel la vie prive des utilisateurs, garantiront la libert d’expression que la vie prive permet et protgeront la scurit de l’information. Comme on l’a vu plus haut, ces rgles contribueront galement rpondre d’autres proccupations concernant les dommages causs par l’internet et qui nous proccupent tous.

Plus prcisment, une vritable loi sur la protection de la vie prive doit inclure les lments suivants :

  • Pas de publicit comportementale en ligne. Il doit tre interdit aux entreprises de cibler des publicits sur une personne en fonction de son comportement en ligne. Ces publicits sont particulirement dangereuses, car elles incitent toutes les entreprises recueillir autant de donnes sur les consommateurs que possible, soit pour les utiliser afin de cibler les publicits, soit pour les vendre quelqu’un qui le fera.
  • Minimisation relle. Il doit tre interdit aux entreprises de traiter les donnes d’une personne, sauf si cela est strictement ncessaire pour lui fournir ce qu’elle a demand.
  • Consentement explicite (opt-in). Il doit tre interdit aux entreprises de traiter les donnes d’une personne, sauf avec son consentement clair, volontaire, spcifique et explicite.
  • Droits des utilisateurs. Les utilisateurs doivent avoir le droit d’accder leurs donnes, de les porter, de les corriger et de les supprimer. Ces droits fondamentaux ont t ajouts de nombreuses lois sur la protection de la vie prive et remontent un rapport gouvernemental de 1973 qui dcrivait les pratiques de base en matire d’information loyale.
  • Pas de premption par une loi fdrale. La loi fdrale sur la protection de la vie prive doit tre un plancher et non un plafond. Les tats doivent tre libres d’adopter des lois sur la protection de la vie prive plus strictes que la lgislation fdrale de base et de relever les dfis de demain qui ne sont pas prvisibles aujourd’hui.
  • Une application rigoureuse avec un impact significatif. Les citoyens doivent disposer d’un droit d’action priv leur permettant de poursuivre les entreprises qui violent leurs droits lgaux en matire de protection de la vie prive. Les rparations doivent inclure des dommages-intrts forfaitaires, des mesures injonctives et dclaratoires, ainsi que des honoraires d’avocat. Les citoyens doivent pouvoir porter leur plainte devant un juge et ne pas tre contraints l’arbitrage.
  • Pas de systmes de paiement pour la protection de la vie prive. De mme que vous ne devriez pas avoir changer votre vie prive contre la possibilit d’utiliser un service, vous ne devriez pas avoir payer un supplment pour pouvoir l’utiliser sans tre surveill. La vie prive ne doit pas tre un bien que seuls les riches peuvent s’offrir. Cette garantie est ncessaire pour s’assurer que le « consentement » est rellement volontaire.
  • Pas de conception trompeuse. Il doit tre interdit aux entreprises de prsenter aux utilisateurs des interfaces (parfois appeles « dark patterns ») qui ont l’intention ou l’effet substantiel d’entraver l’autonomie et le choix. Cette protection est galement ncessaire pour garantir l’authenticit du consentement.

Esquisser le paysage : Ce que de relles protections de la vie prive pourraient accomplir

Protger la sant mentale des enfants

Ces dernires annes, les lgislateurs ont propos des lois qui cherchent ostensiblement protger la sant physique, mentale et motionnelle des enfants contre les dommages potentiels rsultant de leur activit en ligne.

Toutefois, bon nombre de ces propositions posent des problmes d’ordre constitutionnel. Par exemple, de nombreuses lois exigent que chacun fournisse une preuve de son ge et crent des rgles diffrentes pour les personnes considres comme des enfants. Sans surprise, compte tenu des fortes protections constitutionnelles dont bnficient les personnes, y compris les enfants, pour accder l’information sans avoir s’identifier, les tribunaux fdraux ont bloqu les lois sur la vrification de l’ge dans l’Arkansas, en Californie et au Texas. Il est probable que les tribunaux fassent de mme dans d’autres tats comme l’Utah.

Au niveau fdral, un projet de loi intitul Kids Online Safety Act (KOSA) obligerait tous les sites web filtrer et bloquer les discours lgaux. Il permettrait galement aux procureurs gnraux des tats de poursuivre les entreprises en justice pour des contenus qu’ils jugent « nuisibles » pour les jeunes – ce qui, dans de nombreux tats, pourrait inclure des contenus sur les soins de sant des transgenres, les mdicaments abortifs, les livres interdits et bien d’autres choses encore. Cette loi est probablement inconstitutionnelle pour des raisons similaires.

Pendant que ces lois passent par les tribunaux (et que les enfants qu’elles sont censes protger grandissent), le Congrs pourrait adopter une lgislation complte sur la confidentialit des donnes. Une telle lgislation protgerait immdiatement les enfants en limitant la quantit de donnes que les entreprises peuvent collecter, utiliser et partager sur tout le monde, y compris les enfants. Cela permettrait de limiter le type de ciblage prjudiciable qui alimente les inquitudes exprimes dans de nombreuses tudes, enqutes et reportages. Pour tre clair, les problmes tels que la toxicomanie, les troubles de l’alimentation et la dpression sont complexes, et il n’y a pas d’accord clair sur leurs causes ou leurs solutions. Mais il est clair que les gens ne veulent pas tre bombards de publicits manipulatrices, ni eux ni leur famille.

Soutenir le journalisme

Les salles de rdaction de toutes sortes, des journaux municipaux aux hebdomadaires alternatifs, ont t dcimes au cours des dernires dcennies. Les raisons de ce dclin ne manquent pas, parmi lesquelles la consolidation massive entame sous l’administration Reagan. Dans le sillage de cette consolidation, le lancement de la publicit et des petites annonces en ligne a port le coup de grce de nombreuses rdactions. Aujourd’hui, la plupart des salles de rdaction dpendent de la publicit de surveillance de Big Tech pour survivre. Tout le monde en ptit, l’exception des intermdiaires des grandes entreprises technologiques qui engrangent environ la moiti de chaque dollar publicitaire.

Les lgislateurs amricains et trangers proposent de remdier cette situation par le biais d’une loi telle que le Journalism Competition and Preservation Act (JCPA) (loi sur la concurrence et la prservation du journalisme). Ce projet de loi mal conu ne contribuera pas attnuer les pressions auxquelles sont soumis les organes de presse en ligne. La pire partie de ce projet de loi est une « taxe sur les liens », une ide qui n’a jamais fonctionn. En substance, il s’agit d’obliger les entreprises technologiques payer les organes d’information lorsqu’ils crent des liens vers eux dans les moteurs de recherche ou les mdias sociaux. On a dj vu l’un des rsultats de ce type de rgle : les entreprises refusent tout simplement d’autoriser les liens vers les organes d’information. Compte tenu de la prvalence de la dsinformation, la dernire chose dont on a besoin est de rendre difficile la recherche et l’accs un journalisme fiable.

Un projet de loi sur la protection de la vie prive interdisant la publicit comportementale peut changer la donne en rendant plus attrayantes les publicits contextuelles, c’est–dire les publicits bases sur le contenu d’une publication et non sur les caractristiques de chaque utilisateur. Les organisations journalistiques nationales et rgionales en bnficieraient. Sur le site d’un journal, au lieu de voir des publicits hyper-personnalises en fonction de qui vous tes et de ce que vous avez consult en ligne, vous verriez des publicits bases sur le contenu de l’article que vous tes en train de lire. Aucune surveillance de votre historique de navigation, d’achat ou de localisation n’est ncessaire. Il est plus difficile pour les gants de la technologie de monopoliser ce type de publicits, et au moins un organe de presse a mme vu ses revenus augmenter lorsqu’il est pass aux publicits contextuelles.

Une loi sur la protection de la vie prive ne peut elle seule sauver toutes les salles de rdaction, et on devrait reconnatre et rsister aux annonceurs qui tentent d’largir la dfinition des publicits contextuelles pour qu’elles ressemblent davantage des publicits comportementales. Mais en faisant de la protection de la vie prive une priorit, les organismes de presse se retrouveraient sur un pied d’galit et d’indpendance. Cela leur est bnfique, ainsi qu’ leurs annonceurs et, surtout, leurs lecteurs.

Protger l’accs aux soins de sant

Lorsque la Cour suprme a jug que la Constitution des tats-Unis ne protgeait pas le droit l’avortement, ce qui a entran l’adoption par de nombreux tats de lois criminalisant l’avortement, de nombreuses personnes se sont inquites de la possibilit pour les forces de l’ordre d’accder aux donnes mdicales relatives la sant gnsique. On utilise des applications telles que Facebook et d’autres pour parler de la sant aux amis et la famille. On stocke galement de nombreuses donnes de sant sensibles provenant de smartwatches ou de traqueurs d’activit dans des applications pour smartphones, qui permettent d’enregistrer tout ce qu’on fait, du rythme cardiaque aux menstruations. Une grande partie de ces donnes de sant, comme toutes les donnes collectes dans les applications, n’est pas protge par une loi nationale complte sur la protection de la vie prive. Les dveloppeurs d’applications peuvent partager ou vendre certaines de ces donnes des annonceurs, des courtiers en donnes ou aux forces de l’ordre.

La plupart des solutions qu’on a vue jusqu’ prsent, y compris des propositions comme la loi « My Body My Data Act », se concentrent troitement sur les donnes de sant. S’ils taient adopts, ces projets de loi permettraient une amlioration bienvenue de la vie prive, mais le fait de se concentrer uniquement sur les donnes de sant ne tient pas compte de toutes sortes d’atteintes potentielles la vie prive. Les informations directement lies aux donnes relatives la sant gnsique et sexuelle ne sont pas le seul type de donnes susceptibles d’tre utilises contre les personnes demandant un avortement, les prestataires de soins ou leurs proches, en particulier les populations vulnrables qui sont les cibles les plus probables.

C’est pourquoi on doit protger toutes les donnes que l’on cre, et ce quel que soit l’endroit o elles sont stockes. Cela signifie que les entreprises doivent obtenir un consentement clair et explicite pour le traitement des donnes et qu’elles doivent fournir des outils permettant de supprimer ces donnes si on le souhaite. Une loi complte qui protge la vie prive de manire gnrale serait moins droutante pour tout le monde et offrirait des garanties plus solides contre les menaces futures.

Favoriser la justice numrique

D’un point de vue pratique, la vie prive des pauvres est gnralement moins bien protge. Les entreprises, les gouvernements et d’autres acteurs utilisent les donnes personnelles de nombreuses manires discriminatoires, notamment en prenant des dcisions directes concernant l’accs des avantages vitaux et des dcisions indirectes concernant les opportunits dans tous les domaines, y compris la recherche d’emploi, le logement et la tarification. Par exemple, les personnes faible revenu sont souvent moins en mesure d’viter la collecte de leurs donnes par les entreprises, soit parce que les technologies moins coteuses peuvent tre moins sres, soit parce que les entreprises demandent un prix plus lev pour la protection de la vie prive et la scurit (ou offrent un paiement pour que l’on renonce la vie prive).

Une fois collectes, les donnes peuvent tre utilises de manire discriminatoire, notamment par des entreprises qui adressent des publicits risques des groupes vulnrables, par des entreprises qui excluent certains groupes d’opportunits positives ou par des acteurs malveillants qui utilisent les donnes pour harceler des individus ou des groupes. En plus d’tre trs invasives, certaines technologies, comme la reconnaissance faciale, peuvent entraner des erreurs dangereuses, en particulier en ce qui concerne les Noirs. Mme si la technologie de reconnaissance des visages tait toujours prcise, elle aurait toujours un impact injuste sur la disparit raciale, car les camras de surveillance sont surdployes dans les communauts de couleur. Enfin, une grande partie des donnes collectes par les entreprises peut finalement tre obtenue par les forces de l’ordre (par le biais de citations comparatre, d’ordonnances judiciaires, de mandats ou d’achats) et alimenter un systme de justice pnale qui a un impact disproportionn sur les communauts noires et brunes.

L’application rigoureuse de la lgislation existante en matire de droits civils – en particulier dans les domaines du logement, de l’emploi et du crdit – est une condition ncessaire pour se protger contre les discriminations manifestes et les impacts disparates en ligne, et pour crer de vritables recours cet gard. Mais la lgislation sur la protection de la vie prive peut galement contribuer minimiser les donnes que les entreprises collectent et traitent en premier lieu. Il est plus difficile (mais pas impossible) pour les entreprises de cibler une personne sur la base de caractristiques protges si elles ne collectent pas ces donnes en premier lieu. La lgislation sur la protection de la vie prive numrique est une lgislation sur les droits civils.

En outre, toute loi solide sur la protection de la vie prive interdirait les systmes de paiement pour la protection de la vie prive, afin de garantir que la protection de la vie prive ne soit pas un luxe rserv ceux qui peuvent se l’offrir. Lorsqu’une personne refuse de renoncer ses droits en matire de protection de la vie prive, il doit tre interdit aux entreprises de lui faire payer un prix plus lev, de lui fournir une qualit moindre ou de lui refuser un service.

Attnuer l’anxit lie l’IA gnrative

L’anxit suscite par l’IA gnrative crot presque aussi vite que les utilisations de la technologie elle-mme. Les artistes s’inquitent de la manire dont leurs uvres ont entran l’IA gnrative ; les dfenseurs des droits de l’homme s’inquitent de la manire dont les images sont utilises pour crer des « deepfakes » et les experts en dsinformation ont remarqu que des informations errones lies l’actualit ou des conseils de sant peuvent apparatre dans les mdias sociaux ou dans les rsultats de recherche.

Toutefois, l’laboration de politiques dans ce domaine en volution rapide doit tre prcise, prudente et pratique. Par exemple, bien qu’il existe des proccupations lgitimes concernant le bien-tre des artistes, on ne devrait pas se prcipiter pour tendre la loi sur le droit d’auteur ou le droit de publicit. De mme, si la dsinformation suscite des inquitudes lgitimes, on ne doit pas s’empresser de criminaliser les « deepfakes ».

Une proccupation mrite une attention immdiate : de nombreuses entreprises utilisent les informations prives qu’elles collectent auprs de leurs clients comme donnes d’entranement pour l’IA gnrative. Il s’agit notamment de certaines plateformes d’IA gnrative, parmi de nombreux autres secteurs d’activit. Une approche privilgiant la protection de la vie prive, comprenant des rgles de minimisation et de consentement, contribuerait rsoudre ce problme et garantir que les personnes ont leur mot dire sur la manire dont leurs donnes prives sont utilises.

Interdire la surveillance des gouvernements trangers

Presque toutes les plateformes de mdias sociaux et autres entreprises en ligne collectent et montisent les donnes personnelles et encouragent d’autres entreprises en ligne faire de mme. Il en rsulte que des informations dtailles sont largement accessibles de nombreux acteurs, notamment aux gouvernements, qu’ils soient dmocratiques ou autoritaires.

Cette anne, les lgislateurs ont consacr beaucoup de temps TikTok en particulier et une tentative malavise d’interdire ou de restreindre fortement son utilisation aux tats-Unis. TikTok suscite des inquitudes particulires, compte tenu des pratiques de surveillance et de censure de son pays d’origine, la Chine. Toutefois, la meilleure solution ces problmes n’est pas d’interdire une entreprise ou un pays en particulier. Si le gouvernement interdisait TikTok, il porterait atteinte la libert d’expression et d’association de millions d’utilisateurs. Il empiterait galement sur l’intrt de TikTok diffuser les vidos de ses utilisateurs, tout comme les librairies ont le droit de vendre des livres crits par d’autres, et les journaux ont le droit de publier l’opinion de quelqu’un d’autre.

En rduisant les stocks massifs de donnes personnelles collectes par toutes les entreprises, on rduirait les possibilits pour tous les gouvernements, y compris la Chine, d’acheter, de voler ou de contraindre ces donnes. Tout le monde y gagne.

Librer l’espace pour la concurrence

Une poigne d’entreprises technologiques grent la plupart des mdias sociaux, des plateformes d’achat et de recherche, souvent dans le cadre de conglomrats qui offrent de nombreux services bass sur l’internet. Leur intgration verticale et l’absence de concurrence directe leur permettent de collecter autant de donnes d’utilisateurs qu’elles le souhaitent, de les utiliser pour le modle commercial de leur choix et de les partager ou de les conserver comme elles l’entendent. Les effets nfastes des monopoles technologiques sur la vie prive sont bien documents, mais passons en revue quelques-uns des problmes de concurrence les plus courants qui ont un lien direct avec la confidentialit des donnes :

  • Les rseaux sociaux dominants n’tant pas interoprables, il n’est pas possible d’y participer sans avoir un compte, ce qui donne aux plateformes technologiques un contrle total sur les donnes des utilisateurs.
  • L’omniprsence des grandes entreprises technologiques fait qu’il est difficile pour les startups de rivaliser et d’attirer des financements, et mme lorsqu’elles y parviennent, les entreprises technologiques ont tendance rsoudre le problme de la concurrence en achetant tout simplement les concurrents potentiels.
  • La plupart de ces entreprises, dont Google, Meta et Amazon, sont galement intgres verticalement dans la publicit de surveillance, ce qui signifie qu’elles contrlent les donnes depuis leur collecte jusqu’ leur vente, rendant difficile la concurrence de modles publicitaires moins nocifs.
  • Les magasins d’applications spcifiques aux plates-formes ajoutent une autre source d’inquitude. Par exemple, Apple n’autorise pas les magasins d’applications alternatifs sur son systme d’exploitation mobile, une rgle qui porte atteinte la vie prive d’un certain nombre de ses utilisateurs.
  • Le pouvoir collectif des grandes entreprises technologiques leur permet d’exercer une influence considrable sur les lois nationales relatives la protection de la vie prive, les rendant de plus en plus faibles.
  • La portabilit des donnes a t mieux accepte aprs l’adoption du rglement gnral sur la protection des donnes (RGPD) et de la loi californienne sur la protection de la vie prive des consommateurs (CCPA). Avec ces lois, toute entreprise qui opre en Californie ou en Europe doit offrir la portabilit des donnes ses clients. Mais la portabilit des donnes est plus efficace si vous avez un endroit o les emmener. On a besoin d’alternatives pour la rendre vraiment utile.

L’augmentation du nombre de procs antitrust et l’examen minutieux des fusions auxquels nous avons assist ces dernires annes constituent un bon dbut pour s’attaquer ce problme. Malheureusement, les propositions lgislatives visant crer de nouveaux outils pour lutter contre les abus de monopole dans la technologie, notamment la loi amricaine sur l’innovation et la concurrence en ligne (American Innovation and Competition Online Act), la loi sur l’ouverture des marchs des applications (Open App Markets Act), la loi sur l’accs (ACCESS Act) et la loi sur la publicit numrique (Digital Advertising Act), sont toutes restes au point mort au Congrs. Certains de ces textes ont inclus des restrictions gnantes sur le jugement ditorial. Et aucune d’entre elles n’adopte une approche globale.

Mais ici aussi, la protection de la vie prive est un lment essentiel de la solution, en particulier les droits de portabilit des donnes qui garantissent aux utilisateurs qui n’apprcient pas les pratiques d’une entreprise en matire de protection de la vie prive la possibilit de fermer leur compte et d’emporter leurs donnes ailleurs. Combinez cela avec un droit d’action priv, ce qui signifie que les utilisateurs peuvent poursuivre les entreprises qui violent leur vie prive, et on obtient une base pour une vritable concurrence dans la technologie. Ajoutez cela des limites la collecte de donnes et l’interdiction des publicits comportementales, et on verra que le modle d’entreprise des grandes entreprises technologiques est beaucoup moins stable, ce qui ouvre la voie des alternatives concurrentielles. Le respect de la vie prive est galement une condition essentielle une interoprabilit sre. Le respect de la vie prive et la concurrence vont de pair pour lutter contre les effets nfastes des monopoles.

Conclusion

Les nouvelles technologies et les nouveaux modles d’entreprise peuvent causer des prjudices rels et inattendus, et le dsir de les rparer est tout fait comprhensible. Pour ce faire, on doit aller au-del des ractions motionnelles raisonnables aux prjudices voqus et examiner attentivement les solutions proposes. Pendant trop longtemps, les dcideurs politiques et les rgulateurs ont prsent des propositions ractives et irrflchies qui non seulement causent des dommages collatraux, mais ne s’attaquent mme pas au problme sous-jacent.

Faire de la protection de la vie prive une priorit est une solution alternative et pratique qui a de relles chances de rsoudre le problme commun qui alimente de nombreux prjudices aujourd’hui. Elle ouvre la voie un avenir meilleur, o les intrts des entreprises qui crent les plateformes techniques et les outils dont on dpend tous sont mieux aligns sur nos intrts vivre notre vie dans le respect des droits de l’homme et des liberts civiles. On serait moins coinc dans un monde de traage incessant, de discrimination et de monopoles technologiques qui limitent et contrlent l’accs l’information et aux opportunits.

Le respect de la vie prive n’est pas une panace. La vrit est qu’on ne s’est pas retrouv dans cette situation cause d’un seul problme li notre socit et ses technologies. Mais avec ce grand pas en avant en faveur du respect de la vie prive, on peut s’attaquer plusieurs de ces problmes et favoriser un avenir technologique plus humain et plus convivial pour tout le monde.

Source : EFF

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