L’hiver nucléaire touche-t-il à sa fin ? Depuis vingt ans, le nombre de nouvelles centrales inaugurées en Europe ou aux Etats-Unis se compte sur les doigts d’une seule main. L’accident de Fukushima en 2011, qui avait ravivé celui de Tchernobyl en 1986, semblait avoir scellé le sort de cette énergie réputée coûteuse et effrayante. Mais le printemps arrive. Et les princes qui vont réveiller la belle endormie sont à la fois inattendus et pleins de potentiel : les géants de la technologie.
Ce lundi 14 octobre, Google a annoncé avoir conclu un accord avec la jeune entreprise Kairos pour l’aider à développer un parc de petits réacteurs nucléaires modulaires (appelés « SMR ») auprès desquels elle se fournira en électricité. L’accord porte sur le développement de six à sept machines d’une capacité de production totale de 500 mégawatts. Le premier réacteur entrerait en fonction en 2030 et les autres en 2035. Aucun détail n’a été donné sur les modalités financières de cette opération.
De son côté, Microsoft a signé un contrat le 20 septembre avec l’électricien Constellation Energy pour lui acheter pour vingt ans d’électricité dans le cadre de la restauration de la centrale de Three Mile Island. Son concurrent Oracle a annoncé, le 17 septembre, son intention de financer le développement d’un parc de petits réacteurs nucléaires, et Amazon y songe également.
Une rupture technologique
Cet emballement est la conséquence du développement exponentiel de la consommation électrique des grands centres de données informatiques avec le basculement vers l’intelligence artificielle. Désormais, comme au XIXe siècle avec les producteurs d’aluminium qui s’installaient près des barrages, les centres de données se construisent à proximité d’une source d’énergie. Pour compléter le solaire et l’éolien, ils se tournent vers le nucléaire, peu émetteur de carbone et capable de produire de jour comme de nuit.
Mais la route est longue et devra passer par une rupture technologique pour s’affranchir de la malédiction du nucléaire : la sûreté, le coût et les délais de construction des installations. Pour les technos de la Silicon Valley, elle passera par les petits réacteurs modulaires, conçus en usine et rapidement montés sur place. Tout cela reste à démontrer. Si les réacteurs en France et ailleurs sont si gros, si chers et si longs à construire, c’est que la sécurité et leur petit nombre sont une condition de leur acceptabilité par la population. C’est pour cela que seuls les Etats se sont lancés dans cette si longue et périlleuse aventure. Les stars du Net ont de l’argent, plus que les Etats, mais leurs actionnaires auront-ils la patience d’attendre un hypothétique retour sur investissement ?