Dans un précédent rapport, l’Autorité française de la concurrence avait mis en lumière certaines pratiques problématiques exploitées par les géants du cloud pour asseoir leur domination.
Or, cette prééminence dont ils bénéficient sur le marché du cloud constitue également le fondement de leur pouvoir sur celui de l’IA générative.
C’est une des conclusions de l’avis rendu fin juin par le régulateur.
Garantir la diversité des modèles et des fournisseurs
“Les bénéfices de l’IA générative ne se matérialiseront que si l’ensemble des ménages et des entreprises ont accès à une diversité de modèles adaptés à leurs cas d’usage”, prévient l’Autorité.
Cela suppose donc un fonctionnement concurrentiel “favorable à l’innovation” et qui permette “la présence d’une multiplicité d’acteurs.” Ces conditions ne sont pas garanties. Pourquoi ? En raison notamment de fortes barrières à l’entrée.
Ces obstacles sur le marché de l’IA générative s’expliquent par différents facteurs : les processeurs spécialisés pour l’IA, la place centrale du cloud, les larges volumes de données nécessaires, la rareté des compétences et les besoins de financement.
Les géants captent tous les pouvoirs
Ces cinq prérequis à la performance des modèles sont réunis par un nombre restreint de fournisseurs que sont les géants du numérique. En effet, ceux-ci “bénéficient d’un accès privilégié aux intrants nécessaires pour l’entraînement et le développement des modèles de fondation.”
En outre, “ces avantages ne sont pas aisément réplicables par les développeurs de modèles de fondation concurrents qui n’ont pas accès à ces intrants dans les mêmes conditions.” Les hyperscalers ne sont pas seuls concernés.
Le régulateur met aussi en garde contre les risques d’abus au niveau des composants informatiques, à commencer par les GPU. L’enquête souligne notamment “la dépendance du secteur envers le logiciel de programmation de puces CUDA de Nvidia”.
Le fabricant américain est scruté. “Les récentes annonces d’investissements de Nvidia dans des fournisseurs de services cloud spécialisés dans l’IA, tels que Coreweave, suscitent également des inquiétudes.”
Agir sans voter de nouvelles lois
Dans son avis, l’Autorité de la concurrence identifie trois leviers susceptibles de réduire les barrières à l’entrée et les risques d’abus de position dominante : supercalculateurs publics, technologies réduisant le besoin en puissance de calcul et modèles ouverts.
Des mesures sont préconisées par le gendarme de la concurrence. Et celles-ci ne nécessitent pas de voter de nouvelles lois. La stratégie consiste à “rendre plus efficace le cadre réglementaire applicable au secteur”.
Sur la base du cadre existant, l’Autorité émet 10 recommandations visant à préserver la concurrence. La DGCCRF est par exemple encouragée à “accorder une attention particulière à l’utilisation” des crédits cloud.
Elle appelle aussi à faire preuve de vigilance à l’égard des effets de l’AI Act “sur la dynamique concurrentielle”. Le futur Bureau de l’IA devra ainsi veiller à ce que “les plus grands acteurs du secteur ne détournent pas le texte à leur avantage.”
Démocratiser la puissance de calcul via les supercalculateurs publics
La puissance de calcul étant critique pour la GenAI, l’État a un rôle à jouer dans l’accès à cette ressource. L’Autorité voit dans les supercalculateurs publics “une alternative aux fournisseurs de cloud”. Leur ouverture pourrait être étendue “à des opérateurs privés, contre rémunération” et sous conditions.
Un “cadre ouvert et non-discriminatoire” est à définir. Afin de bénéficier de la puissance des supercalculateurs publics, les entreprises privées pourraient notamment être tenues de respecter des critères d’ouverture de leurs modèles d’IA générative.
Mais l’Autorité veut aussi agir au niveau des géants américains et de leurs accords avec les principales startups du marché grâce au DMA. Elle recommande donc d’assurer une meilleure transparence sur les prises de participation de ces sociétés.