ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Des voitures en piteux état, des terrains en friche, de modestes maisons habitées par des locataires noirs ou latinos, quelques sans-abri. Au vu de ces images, difficile de croire que nous sommes au cœur de la Silicon Valley, dans l’une des régions les plus riches du monde. C’est pourtant le cas.
A quelques centaines de mètres des sièges de Facebook et Google, à quelques pas des pimpantes villes de Palo Alto et Menlo Park, où les ingénieurs de la tech aux gros salaires côtoient les professeurs de Stanford, les rues d’East Palo Alto semblent à des années-lumière de cette Californie si bien portante.
East Palo Alto ? Environ 30 000 habitants, dont 60 % de locataires, aux moyens financiers modestes. L’arrivée, au fil des années, des géants Facebook et Google et de leur cohorte d’employés bien payés a profondément modifié la vie dans cette enclave ouvrière, héritière d’une longue tradition militante.
Energie militante
East Palo Alto a toujours été un endroit à part. Dans les années 1960, les travailleurs modestes pouvaient s’y loger à moindre coût, et la communauté noire défendait déjà les locaux face aux appétits des promoteurs.
Avec le temps, des familles venues du Mexique se sont installées dans la petite ville du comté de San Mateo. L’identité multiculturelle de la cité et son énergie militante sont toujours d’actualité. Mais, aujourd’hui, la menace se fait de plus en plus pressante.
Comment les pauvres vont-ils pouvoir rester dans des appartements qu’ils occupent depuis de si longues années alors que, pour loger leurs employés, les géants de la tech et les promoteurs lorgnent avec gourmandise les seuls terrains en friche encore disponibles dans le coin, au cœur d’East Palo Alto ? Et rêvent de détruire les modestes immeubles pour construire des résidences de luxe ?
« Je paye un loyer mensuel de 1 200 dollars [1 100 euros]. Les nouveaux résidents, souvent des employés de Google ou Facebook, payent 2 200 dollars par mois », résume Laura, femme de ménage originaire du Mexique, venue s’installer avec ses deux enfants à East Palo Alto au début des années 2000 et qui craint désormais l’expulsion.
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Choisissant un format inhabituel (trois épisodes de vingt minutes chacun), l’auteur et journaliste Fabien Benoit fait parler des personnes emblématiques : Laura, donc, qui connaît East Palo Alto à la perfection ; mais aussi Antonio, jeune conseiller municipal, lui aussi d’origine mexicaine, qui se demande si négocier avec les promoteurs n’est pas le meilleur moyen de limiter la casse sociale.
Il y a aussi l’ambitieux Mark Dinan, qui rêve visiblement de métamorphoser East Palo Alto en ghetto de riches. Sans oublier le vétéran Ruben Abrica, candidat des plus modestes depuis plus de trente ans à la direction du conseil municipal d’East Palo Alto. Dommage que le format court de cette série documentaire empêche d’aller plus loin. En attendant, le combat continue dans le sud de la baie de San Francisco.
The Last Town, une ville contre la Silicon Valley, de Fabien Benoit (Fr., 2023, 3 × 20 min). Sur Arte.tv jusqu’au 15 octobre 2026.