Le 25 janvier, une jeune fille de 15 ans s’est suicidée dans un hôtel près de Clermont-Ferrand accueillant une vingtaine de mineurs suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Ce drame a relancé le débat sur les défaillances de la protection de l’enfance, pressant l’Etat à venir au chevet de ce service public en crise ouverte depuis plusieurs années.
Encore faudrait-il avoir une vision claire de la situation. A ce jour, aucun indicateur fiable et actualisé ne permet de suivre à l’échelle nationale les parcours des enfants de l’ASE. Impossible de savoir combien d’entre eux sont hébergés à l’hôtel, comment évoluent les alertes sur les mineurs en danger ou les placements de très jeunes enfants.
« On est contraint de marcher à l’aveugle, résume Anne Devreese, la présidente du Conseil national de la protection de l’enfance, une instance consultative rattachée à Matignon. Nous sommes totalement défaillants sur le pilotage de la politique publique, faute de données nationales récentes qui permettraient de mieux comprendre et anticiper les évolutions en cours. » Les départements et leurs prestataires informatiques privés se renvoient la responsabilité d’une remontée très dysfonctionnelle des informations de terrain.
Des logiciels « rigides » et « plein de bugs »
Depuis les lois de décentralisation, la protection de l’enfance est éclatée en cent un conseils départementaux, qui disposent chacun de leur propre système informatique. A compter de 2012, la loi leur a imposé de faire remonter au niveau national des données-clés sur chaque jeune protégé : ce dispositif, baptisé Observation longitudinale, individuelle et nationale en protection de l’enfance (Olinpe), doit donner à l’Etat une vision d’ensemble de la situation, et faciliter le partage d’informations sur les dossiers, crucial lorsque les enfants changent de département. Mais douze ans après, à peine une dizaine de départements se conforment à cette obligation chaque année, alors que plus de la moitié n’ont jamais fait remonter aucune donnée en dix ans. Sans compter les nombreux doublons et erreurs qui compliquent l’exploitation des transmissions.
La responsabilité en reviendrait aux « systèmes d’information d’action sociale » utilisés par les départements pour centraliser les informations sur le parcours des bénéficiaires de l’ASE. « Rigides », « moches », « très limités », « plein de bugs », ces logiciels professionnels vendus aux conseils départementaux par des prestataires privés sont très décriés par leurs utilisateurs. « De conception ancienne, ils ne sont pas toujours ergonomiques », lâche même la très policée association d’élus locaux Départements de France.
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