Je suis en pleine migration d’Arcadie et j’aime avoir un fond sonore pas fatigant, quand je travaille sur des choses assez rébarbatives. RMC Story rediffusait un reportage sur les mormons, que j’avais déjà vu. Mais, la première fois, je n’avais pas tilté sur un détail technique.
Amis imaginaires
Les mormons sont un courant religieux, que je qualifie volontiers de secte, même si je présume que tout le monde ne partagera pas mon avis.
Mais, de manière générale, j’ai tendance à penser qu’on fait beaucoup trop de cas de la sensibilité des gens qui ont des amis imaginaires.
En dehors de leurs règles de vie très strictes, j’ai un problème avec les cultes qui imposent des donations. Sans parler évidemment de la polygamie qui est encore pratiquée chez eux, même si c’est interdit en France. Comme toujours, le corps des femmes sert de paillasson à des types qui auraient mieux fait d’aller consulter un psychiatre.
Une secte qui gère les archives de l’état civil
Au-delà du mode de vie particulier des mormons, le plus frappant est certainement leur passion pour la généalogie. Après tout, c’est un passe-temps comme un autre. Sauf que dans leur cas bien précis, cela ne relève pas du simple hobby.
En effet, convaincus que leurs ancêtres doivent pouvoir les rejoindre au paradis, ils cherchent leurs ascendants, en épluchant tous les registres d’état civil possible et en collectant le plus d’informations possible à travers le monde.
Résultat : ils sont devenus incontournables dans ce domaine, au point que même les administrations leur confient des documents. La mairie de Paris leur a laissé l’accès aux archives. En 2013, la CNIL avait autorisé les mormons à numériser l’état civil. Et c’est ainsi qu’en toute tranquillité, on laisse un mouvement sectaire avoir accès à des données personnelles. Y compris en France.
Données personnelles post-mortem
Et le RGPD ? C’est toute la beauté de la chose : il semblerait qu’il faille être vivant pour exercer pleinement les droits contenus dans le RGPD. Durant la coupure publicitaire, j’ai cherché ce que pouvait prévoir le RGPD sur cette question. On ne peut pas, par avance, refuser qu’on utilise nos données personnelles après notre mort.
Dès lors, si cela est à des fins généalogiques, quelqu’un pourra avoir accès à votre état civil. C’est déjà inquiétant sur le principe, mais, quand on sait qu’une secte peut mettre la main dessus, ça frise le ridicule.
Et dans le cas des mormons, l’objectif est de baptiser leurs ancêtres. On a réussi l’alliance parfaite entre la technologie, la lacune juridique et une croyance. À titre de comparaison, on n’a pas laissé les chercheurs et les journalistes avoir accès aux cahiers de doléances au moment des Gilets jaunes pour des questions de confidentialité des données personnelles.
Baptême post-mortem
Question : comment empêcher que nos descendants nous incluent dans leur délire ? Car, justement, il semble qu’il y ait un vide juridique. Le RGPD ne permet pas de protéger le droit des personnes décédées. Si demain, vous décidez de devenir mormon et de faire baptiser post-mortem vos ancêtres, rien ne s’y opposera. Ni le Code civil ni le RGPD. Et vous serez inclus dans le grand arbre généalogique des mormons, qui se retrouvera un jour dans la nature. Car l’Index Généalogique International est en accès libre : il suffit d’avoir un compte et vous pouvez fouiller dedans.
On risque plus d’embêtements juridiques à connecter son site à Google Analytics qu’à baptiser post-mortem sa grand-mère. Et si vous pensez que c’est limité aux mormons, vous vous trompez. En 2024, l’Église catholique a refusé d’effacer un baptême de ses registres. La personne avait déposé une plainte devant la CNIL, qui a renvoyé la patate chaude au Conseil d’État. Qu’a répondu le Conseil d’État ? Compte tenu du caractère « non dématérialisé » des registres, les « données ne sont accessibles qu’aux intéressés pour les mentions qui les concernent, ainsi qu’aux ministres du culte et aux personnes œuvrant sous leur autorité », relève la juridiction. « Ces données ne sont pas accessibles à des tiers » et conservées « dans un lieu clos », ajoute-t-elle.
Morale de l’histoire ? Si vous avez un site Web, dites que vous êtes un courant religieux, vous aurez un totem d’immunité vis-à-vis du RGPD.
Le Zapping Décrypté vous souhaite une bonne année 2025.