Une œuvre visuelle créée par une intelligence artificielle (IA) agissant sans tutelle humaine ne peut pas être protégée par des droits d’auteur aux Etats-Unis, a confirmé un juge fédéral américain, vendredi 18 août. Ce dernier se prononçait sur la validité d’un précédent verdict, rendu au début de 2022 par une autre instance américaine, le bureau des droits d’auteur (United States Copyright Office).
Cette institution, basée à Washington, avait refusé d’enregistrer dans son répertoire d’œuvres protégées une image générée par Dabus, une IA conçue par Stephen Thaler. Ce scientifique présente l’image, intitulée A Recent Entrance to Paradise (Une entrée récente au paradis), comme une création autonome de Dabus : aucune consigne humaine n’aurait pesé sur le résultat final. Une démarche radicale, qui aurait pu émaner d’un artiste conceptuel, mais qui a germé dans l’esprit de ce chercheur et fondateur d’Imagination Engines, entreprise dont l’objectif scientifique affiché est de fabriquer des IA conscientes et sensibles. Une IA devrait d’ailleurs être reconnue « comme un auteur », a fait valoir l’avocat de Stephen Thaler auprès du tribunal.
« Sans tutelle d’une main humaine »
Dans son jugement, la cour fédérale rappelle que loi américaine n’a jamais « protégé des œuvres générées par des technologies nouvelles opérant sans tutelle d’une main humaine », et que, selon une jurisprudence bien établie, c’est la créativité humaine qui « fonde la possibilité de recevoir un copyright ». Selon elle, la loi sur les droits d’auteur a pour objectif d’« encourager des humains à s’engager » dans la création.
Ce jugement ne condamne toutefois pas toutes les œuvres visuelles générées par IA. Quand celle-ci est utilisée comme un outil d’assistance à la créativité, la personne qui l’a employée peut, dans certaines conditions, parvenir à obtenir des droits d’auteur, si l’on se fie à un avis du bureau des droits d’auteur américain publié en mars 2023. Le bureau arguait alors que les œuvres où la réalisation d’une IA aurait été sélectionnée et arrangée « de façon suffisamment créative pour que le travail produit constitue une œuvre d’auteur originale » pouvaient être couvertes, au cas par cas. Cet avis n’a certes pas de valeur contraignante, et il intervient assez tôt dans le débat légal qui s’amorce, mais il paraît cohérent avec une jurisprudence dont les bases ont été posées au XIXe siècle à la suite de l’émergence de la photographie.
Ni cet avis ni le jugement de la cour fédérale de Columbia n’apportent de réponse à une autre question : les IA peuvent-elles être entraînées sur la base de millions de créations visuelles et textuelles aspirées sur Internet ? Un autre débat épineux qui mettra sans doute quelques années à être définitivement arbitré par les tribunaux. A moins que les pouvoirs politiques ne décident de fixer de nouvelles règles du jeu.