Avec plus de 18 millions d’abonnés, à la fin de 2022, et les trois quarts du territoire déjà couverts, la France est championne d’Europe de la fibre optique. Mais, plus qu’une fierté, cette technologie de connexion à très haut débit à Internet est devenue un sujet de crispation du quotidien. Qui n’a pas été victime ou témoin de coupures à répétition, d’erreurs de raccordement ou de malfaçons… Les abonnés fulminent, et leurs élus, maires, députés ou conseillers départementaux, s’agacent, inquiets pour l’attrait de leurs territoires, à l’heure du télétravail, de l’enseignement à distance et du commerce en ligne.
Lassé « d’entendre tous les jours autant de plaintes alors que plus de 20 milliards d’euros ont été investis dans la fibre », le sénateur de l’Ain Patrick Chaize (Les Républicains), qui est aussi président de l’association des collectivités locales engagées dans le numérique Avicca, propose une loi visant à « assurer la qualité et la pérennité » de ce nouveau réseau télécoms. Comment ? En permettant de renverser la hiérarchie de la filière.
Depuis le lancement du plan France très haut débit, au début des années 2010, la responsabilité du raccordement des abonnés a été confiée aux opérateurs dits « commerciaux » (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) et non aux opérateurs d’infrastructures, ceux qui déploient le réseau optique sur le domaine public, le long des routes et des rues. Cette répartition des rôles avait été choisie notamment pour des raisons concurrentielles.
« Du bon sens »
Mais, lors des pannes ou des malfaçons, elle conduit souvent à un jeu de ping-pong entre opérateurs commerciaux et d’infrastructures, chacun se renvoyant la responsabilité du problème. Avec cette loi, les opérateurs d’infrastructures pourraient reprendre la main et se charger eux-mêmes du raccordement. « C’est du bon sens, argumente Patrick Chaize. Dans l’énergie, ce sont GRDF et Enedis qui branchent les abonnés au gaz ou à l’électricité, pas Engie ou EDF. »
Vent debout, les opérateurs commerciaux voient plutôt un non-sens dans cette proposition de loi. « Nous ne contestons pas le fait qu’il y ait des problèmes. Nous partageons aussi les objectifs des élus en matière de complétude et de qualité du réseau. Mais ce n’est pas en changeant la loi que nous respecterons ces enjeux », proteste Michel Combot, le directeur général de la Fédération française des télécoms, qui réunit trois des plus grands opérateurs commerciaux, Orange, SFR et Bouygues Telecom.
Même s’il n’est pas membre de ce lobby, Free partage la même préoccupation : qu’un changement de règles en cours de route mette un coup d’arrêt au chantier du déploiement de la fibre.
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