Cheveux rose pastel, teint glowy avec ces joues rosées popularisées par le maquillage douyin, adopté par les influenceuses asiatiques, la tiktokeuse américaine Carley, la vingtaine, explique dans une vidéo tutorielle comment se créer des yeux monolides, aux paupières sans plis, très communs parmi les populations d’Asie. Pour cela, elle tire sa double paupière à l’aide de deux doigts pour faire disparaître une strate de peau. Le résultat – une sorte de chirurgie sans chirurgie – est bluffant : d’un coup, les origines de la jeune fille sont moins évidentes.
Dans d’autres vidéos, l’influenceuse conseille sa communauté de Race Change to Another (RCTA, personnes en « transition de race »), qui rassemble ceux qui cherchent à s’assimiler à une autre ethnie que la leur, en utilisant des montages photos, du maquillage ou en ayant recours à la chirurgie esthétique. Le plus souvent, l’objectif est d’obtenir des traits physiques que l’on trouve chez les Coréennes, nouvel idéal de beauté diffusé notamment par la musique K-pop et des séries K-drama.
Si le « transracialisme » reste un phénomène marginal, Carley est loin d’être la seule à s’intéresser à la question : #rcta compte déjà 388 millions de vues, et #rctakorean 5,4 millions sur le réseau social chinois. S’il est difficile de définir clairement l’origine de cette tendance, l’Américaine Rachel Dolezal, qui faisait les gros titres de la presse américaine en 2015, en est incontestablement une des figures de proue.
Même vocabulaire que dans la transition de genre
Comme le raconte le documentaire Netflix Rachel Dolezal, un portrait contrasté, cette activiste de l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (NAACP), aussi connue sous le nom de Nkechi Amare Diallo, s’est fait passer pour afro-américaine pendant plus d’une décennie. En 2015, ses propres parents dénoncent la supercherie, créant un énorme scandale la poussant à la démission. Mais Rachel persiste et signe, affirmant se sentir noire depuis toute petite, et revendiquant être la première personne identifiée comme « transraciale ». C’est là que ce terme, jusqu’alors employé pour désigner des enfants adoptés par des parents d’ethnies ou de cultures différentes des leurs, prend une autre signification.
Des années plus tard, des serveurs Discord consacrés à la pratique du RCTA voient le jour, avant que le terme gagne en popularité sur TikTok. Ce sont généralement des jeunes filles, souvent blanches, qui disent vouloir « changer de race » pour devenir coréennes, mais également japonaises ou chinoises, origines auxquelles elles s’identifient davantage. On retrouve d’ailleurs le même vocabulaire que dans la transition de genre, comme celui du deadnaming (« morinommage » en français), expression désignant le fait de ne pas souhaiter se faire appeler par son ancien prénom, auquel on ne s’identifie plus.
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