Les services secrets chinois ont investi dans l’IA, et ça inquiète la CIA

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La Chine aurait créé un système d’IA sur mesure pour mieux traquer les espions américains. En parallèle, les données qui auraient été piratées, dans le passé, permettraient aux agences de renseignement chinoises de mieux sélectionner leurs cibles, alertent des agents américains, interviewés par le New York Times.

En 2023, l’intelligence artificielle (IA) a été de toutes les conversations, y compris dans la sphère feutrée des agences de renseignement. Une enquête du New York Times, parue mercredi 27 décembre, relate comment l’une des plus importantes agences de renseignement chinoises, le M.S.S., a créé un outil sur mesure, mixant IA et reconnaissance faciale. Il serait capable de créer, instantanément, des dossiers sur certains profils stratégiques. Ces dossiers mis à jour permettraient de suivre très précisément les va-et-vient des agents secrets américains ou des « personnes dignes d’intérêt » – comprenez, des cadres d’entreprises, des fonctionnaires ou des chercheurs travaillant dans des secteurs stratégiques. Pour leur enquête, nos confrères expliquent avoir interviewé plus d’une vingtaine d’agents secrets américains. Selon ces derniers, Pékin aurait lancé des programmes et embauché à tour de bras pour se doter de ce type d’outils d’IA.

Tout aurait commencé pendant la pandémie, rapporte le New York Times. Les agents chinois auraient demandé aux agences de doter les caméras de surveillance, qui suivent les diplomates, les agents et les officiers dans le quartier des ambassades de Pékin, de programmes d’IA. L’objectif : créer des dossiers sur chaque personne, capable d’analyser leurs comportements. Ces dossiers ont été complétés avec d’autres bases de données provenant de piratages antérieurs. Cet outil serait un moyen pour les agents chinois de davantage cibler les personnes ou les réseaux à surveiller, soulignent nos confrères, qui expliquent se baser sur des mémos de réunions internes.

Une campagne d’espionnage mondiale sans précédent de Pékin

Ce n’est pas la première fois que les agences de renseignement américaines s’inquiètent des techniques de leurs homologues chinois. La presse américaine se fait régulièrement l’écho de tentatives ou de vols de secrets de fabrication ou de savoir-faire d’entreprises américaines, dont Pékin serait l’auteur – accusation  que la Chine dément systématiquement. Mais dernièrement, l’inquiétude serait montée d’un cran, à l’image de cette communication inhabituelle des patrons des « Five Eyes », le club des services secrets anglophones, en octobre dernier. Les cinq hommes avaient expliqué, lors d’une interview collective à CBS News, avoir rencontré « en privé » une quinzaine de dirigeants de la Silicon Valley. Ces derniers souhaitaient alerter sur le fait que certaines technologies, qui seraient sur le point de changer le monde dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la biologie, et de l’informatique, pourraient tomber entre de mauvaises mains – celles de la Chine. Les cinq patrons évoquaient une campagne d’espionnage mondiale sans précédent de Pékin.

Mais à côté de cet espionnage qui ciblerait les entreprises de la Silicon Valley, l’IA serait devenue un véritable objet de préoccupation des agents interviewés par le New York Times. Car la Chine disposerait d’un trésor de données sur les entreprises, les fonctionnaires et les citoyens américains, collectés grâce au piratage de centaines de millions de dossiers de particuliers ou de fonctionnaires depuis une dizaine d’années. Ces vols – dont la Chine a nié toute responsabilité – auraient abouti à des milliards de données privées, un pactole si important que des humains seraient incapables d’y trouver un élément intéressant. Les humains non, mais l’IA, oui. Elle serait capable de repérer les bons schémas dans l’amas de données piratées aux caisses d’assurance maladie, aux hôtels, aux agences de crédit, aux banques, ainsi qu’au gouvernement américain. Parmi ces data, on trouverait des empreintes digitales, des informations financières et des dossiers de santé.

De quoi permettre de localiser et de suivre les espions américains infiltrés, et de repérer les fonctionnaires bénéficiant d’une habilitation de sécurité et de suivre leurs interactions, détaillent nos confrères. Pour Brad Smith, le patron de Microsoft qui était interviewé par le Wall Street Journal, Pékin utilise déjà ses outils d’intelligence artificielle pour passer au peigne fin de vastes ensembles de données. L’IA sera utilisée pour mieux pirater certaines cibles, dit-il en substance.

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Un changement de paradigme pour la CIA

Même son de cloche chez Glenn Gerstell, ancien conseiller général de la National Security Agency (NSA), interviewé par le journal financier. « La Chine peut exploiter l’IA pour constituer un dossier sur pratiquement tous les Américains, avec des détails allant de leurs dossiers médicaux à leurs cartes de crédit et de leurs numéros de passeport aux noms et adresses de leurs parents et enfants. Prenez ces dossiers et ajoutez-y quelques centaines de milliers de pirates informatiques travaillant pour le gouvernement chinois, et vous obtiendrez une menace potentielle effrayante pour la sécurité nationale », s’alarme-t-il.

À côté du M.S.S chinois, la CIA serait à la traîne, expliquent nos confrères. Notamment parce que l’agence américaine aurait perdu l’ensemble de son réseau d’agents en Chine il y a dix ans – une information qui n’a jamais été reconnue officiellement. La CIA aurait le plus grand mal à reconstituer ce réseau, rapporte un autre article du Wall Street Journal. Résultat : « Nous n’avons aucune idée des plans et des intentions des dirigeants chinois », regrette un ancien haut responsable des services de renseignement, auprès de nos confrères.

Pour autant, l’agence de renseignement investit énormément : les dépenses de la CIA liées à la Chine ont doublé depuis le début du mandat de Joe Biden. Les États-Unis auraient considérablement intensifié leur espionnage sur les entreprises chinoises et leurs technologies. Pendant des décennies pourtant, les agences de renseignement se contentaient de cibler les entreprises de défense et d’armements. Mais désormais, la CIA collecterait des données sur les entreprises chinoises travaillant sur l’IA, l’informatique quantique, les semi-conducteurs et les équipements biotechnologiques. Un véritable changement de paradigme.

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Source :

The New York Times



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