La chape de plomb de l’Elysée a son antidote : le téléphone d’Emmanuel Macron. Ministres et élus savent qu’un SMS peut suffire, pour leurs arbitrages, à décrocher un précieux coup de pouce présidentiel. « Bien pris », reçoivent-ils parfois dans la nuit. La politique en Macronie se joue en bonne partie sur WhatsApp ou Telegram, l’application de messagerie créée par les frères russes Dourov, opposants à Vladimir Poutine. Le chef de l’Etat et sa première ministre Elisabeth Borne s’écrivent en permanence sur leur boucle instantanée. Une notification, et les troupes se mettent en branle.
Après la saillie du député (Rassemblement national, RN) de la Gironde Grégoire de Fournas, qui a embarrassé Marine Le Pen, M. Macron pianote à un pilier de sa majorité : « Il faut la pousser à sanctionner son mec. » Ni une ni deux, les macronistes ciblent le RN avec une vidéo-montage Twitter, sur l’air de Papy fait de la résistance. Des échanges directs, parfois savoureux, dont la confidentialité n’intéressait pas au premier chef les services de l’Etat chargés de protéger les conversations classifiées. Jusqu’à récemment.
Le scandale « Pegasus », du nom du logiciel espion israélien utilisé par le royaume du Maroc pour pénétrer des téléphones de personnalités ciblées, a changé la donne. Cette vaste affaire, révélée en juillet 2021 par Le Monde et un consortium de médias internationaux, a mis en évidence la vulnérabilité des communications du président de la République et du gouvernement français. Depuis, la protection de leurs correspondances – même si elles ne contiennent pas d’information secret-défense – préoccupe le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). L’Elysée n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
Selon nos informations, après « Pegasus », de nouveaux smartphones sécurisés, dotés d’un nombre limité de contacts, ont été discrètement mis à disposition d’une vingtaine de responsables gouvernementaux. « On ne pirate pas des numéros que personne ne connaît », souffle une source au fait de ce réseau resté secret. Sauf que les détenteurs s’en servent assez peu, remisant les appareils dans les tiroirs… « Tout ce qui passe sur Telegram est potentiellement écouté par les Russes et les Américains », avertit Thomas Gassilloud, député (Renaissance) du Rhône et président de la commission de la défense nationale et des forces armées à l’Assemblée, qui plaide dans un rapport d’information pour le développement d’un « WhatsApp français » souverain.
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