« L’explosion de l’intelligence artificielle a été beaucoup plus rapide que le temps universitaire »

« L’explosion de l’intelligence artificielle a été beaucoup plus rapide que le temps universitaire »


Directrice de l’Institut Prairie (Paris AI Research Institute), Isabelle Ryl a été nommée, en mars, vice-présidente intelligence artificielle de l’université PSL. Egalement membre du comité de l’intelligence artificielle générative, créé en septembre 2023 par Elisabeth Borne, elle a été, à ce titre, associée à l’élaboration du rapport sur la stratégie française en matière d’intelligence artificielle (IA), remis en mars à Emmanuel Macron. Elle revient pour Le Monde sur les expérimentations en cours dans les universités.

Le récent rapport « IA : notre ambition pour la France » recommande de « généraliser le déploiement de l’IA dans toutes les formations du supérieur ». Concrètement, en quoi cela consiste-t-il ?

Il s’agit de ne pas seulement former des spécialistes de l’IA, mais aussi des gens capables d’utiliser l’IA dans leur métier. Pour cela, l’université doit proposer des formations dans lesquelles les étudiants – en gestion, en médecine, etc. – sont formés à manipuler des outils à base d’IA dans leur métier spécifique. Ils doivent savoir quelles données sont utilisées par l’IA pour arriver à un certain résultat, quelle est la probabilité d’erreur.

A l’université PSL, nous avons mis plusieurs choses en place : des semaines intensives de formation à l’IA à destination des étudiants par domaine, par exemple en physique ou en chimie ; les doubles formations, comme la double licence IA et sciences des organisations ; la possibilité pour les étudiants de choisir une « mineure IA » dans leur parcours.

Mais il y a d’autres exemples : à Paris Cité, une master class de trois jours en IA est proposée aux internes en médecine, selon leur spécialité. Ils apprennent par exemple à interpréter un diagnostic généré par l’IA.

A l’heure actuelle, il semble que l’enseignement supérieur soit plus réfractaire que le secondaire à l’intégration de l’IA dans les outils pédagogiques des enseignants. Comment l’expliquez-vous ?

Je ne pense pas que l’enseignement supérieur soit réfractaire, mais il est vrai qu’un certain nombre de collègues sont précautionneux. Cela s’explique. D’abord, ce n’est pas la première vague d’innovations qui nous promet tout et n’importe quoi. Il y a quelques années, on nous avait prédit que les MOOC [Massive Open Online Course] remplaceraient entièrement les cours…

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Ensuite, l’IA est un outil qui peut apporter beaucoup – en termes de gain de temps, d’exploration –, mais qui n’est pas exempt d’erreurs. La question est donc : comment l’insérer correctement dans les cursus ? Afin qu’elle puisse remplacer ce qui est remplaçable, sans se substituer à la formation globale de l’étudiant. Plus vous avancez dans une discipline, plus il faut de connaissances de base pour juger de la qualité de ce qui est proposé par l’IA. Un risque très important serait d’oublier que l’IA n’est qu’un outil à base de statistiques.

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