Le 24 juin, l’éditeur Riot Games a annoncé une toute nouvelle fonctionnalité sur Valorant, son jeu de tir à la première personne, afin de lutter contre les propos toxiques. Pour l’heure en phase de test aux Etats-Unis uniquement, elle lui permet, après un signalement, de récupérer les enregistrements des échanges vocaux entre joueurs pour les analyser et ainsi bannir les fautifs. La place importante laissée aux comportements problématiques dans le jeu vidéo est un enjeu récurrent ces dernières années, sans que l’industrie semble, pour l’heure, avoir trouvé de solutions efficaces.
Daniel Kelley est directeur stratégique au Centre technologie et société de l’Anti-Defamation League (ADL), une organisation non gouvernementale qui, depuis 1913, combat l’antisémitisme et, plus récemment, le harcèlement et la haine sur Internet. Elle collabore notamment avec la Fair-Play Alliance, un regroupement des principaux éditeurs de jeux qui vise à rendre plus sains les espaces d’échanges en ligne.
La toxicité dans les jeux vidéo est une préoccupation importante depuis déjà plusieurs dernières années, mais la situation semble avoir peu évolué. Pourquoi ?
Ce n’est que récemment que les éditeurs ont commencé à considérer sérieusement cet enjeu. Dans notre rapport de 2021, on a trouvé qu’un Américain sur dix avait déjà été exposé, lors de ses parties, aux idéologies suprémacistes blanches. C’est le genre de choses que les personnes ont dénoncées en ce qui concerne les réseaux sociaux ces dernières années, mais notre capacité à voir qu’elles arrivent aussi dans le jeu vidéo est limitée.
Or l’une des raisons qui explique pourquoi les réseaux sociaux ont autant investi dans la modération, c’est parce que l’opinion publique peut se retourner contre eux : les entreprises, quand elles se font attaquer, veulent pouvoir répondre et être vues comme des bons acteurs. C’est la raison pour laquelle elles ont des personnes chargées de travailler sur ces questions, alors qu’on ne retrouve pas ces mêmes postes dans l’industrie du jeu vidéo, parce que celle-ci s’est davantage construite comme un studio de cinéma qu’un réseau social. Elle a dix ans de retard par rapport aux réseaux sociaux dans le traitement du harcèlement.
Pourtant de nouvelles mesures ont été prises récemment, à l’image de Riot Games, qui teste la possibilité d’enregistrer et analyser les échanges vocaux entre joueurs…
Aujourd’hui, il n’y a pas de rapport transparent des éditeurs. Mais les chiffres de notre étude montrent que, dans les faits, même si les entreprises commencent à investir dans la modération, cela n’a pas encore d’impact concret : la situation ne s’améliore pas. On voit des mouvements, mais cela n’est pas encore universel dans l’industrie. Les jeux avec le plus de harcèlements, comme Counter Strike. Global Offensive (CSGO) et Dota 2, ne semblent pas être intéressés par la modération des propos.
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