L’informatique peut-elle être durable ?

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Octobre 2020 est certainement à marquer dans jalons du développement du numérique en France.

Un colloque organisé à Bercy le 8 octobre, « Environnement et Numérique« , a amorcé les annonces pour engager le secteur du numérique dans la transition énergétique et rectifier cet oubli dans les politiques environnementales et climatiques.

C’est vrai que la croissance de ce secteur, depuis 30 ans, fait qu’il est devenu incontournable dans bien d’autres secteurs. Si parfois il peut les aider à réduire leur impact environnemental, il le fait avec une infrastructure, souvent « invisible » pour le commun des mortels, qui est source de millions de tonnes de CO2 dans son bilan. 

L’informatique mondiale c’est, chaque année, 3200 milliards d’euros de dépenses, sans trop savoir si elles sont responsables ou non. Au niveau des entreprises, les infrastructures, les matériels et les communications, représentent grosso modo 60% des coûts informatiques, quand le service est à 23% et les logiciels à 12%.

Mais le numérique ce sont aussi les équipements des ménages en ordinateurs, en smartphones et en box TV, avec un impact qui dépend fortement des usages, même si cet impact reste inférieur à celui des entreprises.

Cedric O, secrétaire d’Etat au numérique, souhaite donc que l’État se mobilise pour rendre ce secteur d’avenir, en emplois et en souveraineté, un peu plus vertueux sur le plan environnemental. Une première priorité, car il faut bien des « quick wins », est de s’attaquer à l’allongement de la durée de vie des appareils électroniques, et surtout des smartphones. C’est un des griefs porté à la 5G, avec la pression qu’elle met sur la demande en renouvellement des terminaux.

La fabrication de ces terminaux représenterait 75% de l’empreinte écologique du numérique, selon Barbara Pompili, la ministre de la transition écologique aussi présente au colloque, notamment à cause de l’usages de terres et de métaux rares. GreenSI reprends ce chiffre, mais le trouve quand même élevé sur la durée de vie des équipements.

Le rapport du Sénat de juin 2020 « Pour une transition numérique écologique » reprend lui le chiffre de 3,7% des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2018 pour le numérique. De ce montant, seulement 44% de cette empreinte serait due à la fabrication des terminaux, des centres informatiques et des réseaux et 56 % à leur utilisation.

Ce rapport, dont GreenSI recommande la lecture, regorge de recommandations qui pourraient faire l’objet d’un prochain projet de loi, mais aussi certainement de nouvelles polémiques comme la fin des forfaits de données illimitées (proposition°15) ou l’obligation d’adapter automatiquement la vidéo au format du terminal, quand on surf sur Internet (proposition n°16). 

Mais le plus gros chantier sera celui des infrastructures. Il faut s’attaquer à leur consommation énergétique, notamment celle des datacenters, avec une gestion efficiente de l’énergie consommée et de la chaleur générée par les serveurs informatiques. Les annonces gouvernementales concerneront, en 2021, l’accès à un tarif réduit de l’électricité quand un datacenter démontre son éco-responsabilité. C’est un début de politique environnementale incitative en faveur d’un numérique responsable.

Mais ces infrastructures sont surtout utilisées par les entreprises. Leur mobilisation ne doit donc pas être en reste, sinon les fournisseurs d’infrastructures n’auront pas d’incitation à changer leur pratiques.

C’est chose faite avec le lancement de la plateforme « Planet Tech’Care » par le Syntec Numérique – les fournisseurs du numérique – et le Cigref – les grandes entreprises utilisatrices du numérique – et plusieurs autres partenaires engagés dans le numérique responsable comme l’Institut Numérique Responsable, le pôle Systematic ou The Shift Project.

En rejoignant la plateforme « Planet Tech’Care », les entreprises se mobilisent pour intégrer le numérique à leur stratégie environnementale, ou l’inverse.

Mais, même avec les meilleurs intentions du monde, le problème réside aussi dans la méconnaissance des notions de durable, la complexité à calculer les GES, à mettre en oeuvre des démarches de mesure… Sans cette connaissance comment orienter les choix technologiques, et les architectures, dans les projets de transformation digitale ?

Dès le lancement du 8 octobre, une centaine d’entreprises étaient déjà signataires (par ici pour rejoindre le mouvement!).

Ces entreprises s’engagent donc également à soutenir les acteurs de la formation et à promouvoir, au sein de leurs organisations, le développement de compétences en matière de numérique responsable.

Ces compétences pourront alors passer à l’action : réduire l’emprunte carbone actuelle de l’informatique interne, influencer la trajectoire de la transformation numérique pour la rendre durable ou favoriser les usages responsables,…

Car le vrai sujet est peut-être qu’actuellement la gouvernance des SI, intègre peu, voir pas du tout la question environnementale.

On parle de Green IT depuis plus de 10 ans, mais ce n’est que la dernière actualisation du guide d’audit des SI, qui fait apparaître un critère général de responsabilité incluant les enjeux éthiques et la responsabilité sociétale et environnementale (RSE), définis
par la stratégie de l’entreprise. 

La rupture qui attends les responsables des SI (DSI, CDO, DG, …) est donc de dépasser cette posture, en retrait derrière la stratégie de l’entreprise, et de prendre le leadership d’une approche durable des SI.

De plus, les SI sont des systèmes déployés bien au-delà du datacenter, avec de multiples terminaux et récemment avec le développement d’objets connectés, par exemple pour la logistique. La prise en compte du télétravail est aussi un nouveau sujet, vu pour l’instant que sous l’angle de la cyber-sécurité.

Ces responsables doivent donc maintenant comprendre l’implication environnementale des technologies utilisées et évaluer systématiquement la pertinence énergétique et carbone de telle ou telle technologie, avant son déploiement. Les processus d’études et de conception des SI pourront alors intégrer cette dimension pour les infrastructures, mais également pour les applications avec le développement de l’éco-conception. Car le logiciel a aussi un impact environnemental, puisque les algorithmes peuvent être plus ou moins efficaces pour converger, et demander plus ou moins de communications.

Mais qui pour piloter cette transformation environnementale en entreprise, en plus de la transformation digitale ?

Ce colloque a été lancé par deux ministères, l’Environnement et le Numérique. 

GreenSI se demande si une si belle photo pourrait être prise dans l’entreprise. Si la DSI peut être légitime pour représenter le SI, quelle direction représente la responsabilité environnementale?

Mise à part quelques entreprises en avance sur ce sujet qui ont des Directions dédiées, la place de l’environnement est souvent vide dans l’organigramme de l’entreprise. 

La protection des données a imposé, via le RGPD, à toutes les entreprises et collectivités locales d’avoir un DPO (data protection officer). Force est de constater qu’aujourd’hui, pour ce qui concerne la gouvernance de l’impact des systèmes d’information, les données sont certainement mieux protégée que l’environnement !

Les initiatives de ces dernières semaines devraient donc mobiliser et faire émerger dans les entreprises, les acteurs qui pourront faire installer une nouvelle gouvernance des SI. Cette gouvernance doit pouvoir influencer les décisions en prenant en compte l’impact environnemental, en plus de l’impact business, sécurité ou données personnelles.

Le numérique responsable se lève sur les systèmes d’information, mais le chemin à parcourir sera certainement long.





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