Dès lors que ses applications potentielles sont pour l’essentiel inconnues – et qu’elles semblent virtuellement sans limites –, il serait extrêmement difficile de prédire dans quelle mesure l’intelligence artificielle (IA) pourrait affecter la démocratie. Si des outils restreints d’intelligence artificielle, destinés à des tâches spécifiques, comme la tenue des listes électorales, sont déjà utilisés dans différents pays, les effets de l’intelligence artificielle générative sont plus difficiles à envisager.
Cette technologie ne se réduit pas à une nouvelle application, comme une plate-forme de réseau social ; c’est plutôt une technologie constitutive, qui rappelle à cet égard l’émergence d’Internet. Elle influencera la démocratie, que ce soit directement, par la transformation des mécanismes électoraux et de gouvernance, ou indirectement, puisqu’elle menace les fondations mêmes des écosystèmes d’information, de la confiance publique et de l’opinion.
Pour ce qui concerne ses conséquences directes, l’IA générative transforme la manière de faire de la politique en permettant une compréhension plus pertinente et fine des résultats potentiels d’une décision. Ainsi des organisations comme Climate Change AI utilisent-elles déjà cette technologie pour comprendre comment concevoir des routes, des réseaux d’alimentation électrique ou de canalisation d’eau en tenant compte de l’aggravation et de la multiplication des événements climatiques extrêmes. Les services de maintien de l’ordre s’en servent pour la surveillance et pour une police de prévention. Plus récemment, des avocats et des juges ont commencé à employer l’IA générative, par exemple ChatGPT, pour les assister dans la rédaction de leurs conclusions pour les uns, voire de leurs décisions ou de leurs arrêts pour les autres.
Algorithmes et biais
Pendant ce temps, l’inquiétude monte concernant l’interaction de l’IA générative sur les élections. En 2024, des élections se tiendront dans 45 pays au moins, et parmi celles-ci des scrutins décisifs aux Etats-Unis et dans l’Union européenne.
Si l’IA restreinte contribue déjà à rationaliser l’administration des élections, l’IA générative pourrait introduire de nouveaux biais et de nouvelles incertitudes. Le système électoral américain, très décentralisé, comprend par exemple 10 000 autorités administratives compétentes, chaque Etat tenant ses propres listes, lesquelles doivent être constamment remises à jour, à mesure que les électeurs déménagent, meurent, ou d’une manière ou d’une autre perdent leur droit de vote.
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