Nous avons tous été interpellés par les dernières performances de l’intelligence artificielle (IA) générative, en particulier les grands modèles de langage (large language models ou LLM) tels que ChatGPT, capables de générer des réponses à des questions formulées en langage courant. Tour à tour, ils émerveillent et inquiètent, mais nous pouvons être certains d’une chose : ils font déjà partie intégrante de notre quotidien et joueront un rôle central dans les prochaines années.
L’émergence de ces programmes dans le domaine de l’éducation est une arme à double tranchant : s’ils ont le potentiel de faire progresser considérablement l’apprentissage, ils risquent également de creuser les inégalités mondiales déjà largement accrues par la révolution numérique.
Dans les pays développés et au sein de leurs communautés aisées, l’intégration des LLM dans le système éducatif esquisse un avenir où l’apprentissage personnalisé, appuyé par des ressources éducatives sur mesure et des assistants d’apprentissage interactifs, devient la norme. Même s’ils présentent un défi d’appropriation et de formation, ces outils offrent la perspective d’améliorer significativement les résultats éducatifs et de garantir un accès ouvert et modulable aux connaissances.
Pour les habitants des régions pauvres, où l’infrastructure nécessaire pour prendre en charge des technologies aussi avancées est absente et où une connectivité fiable reste hors de portée, la promesse des LLM ressemble davantage à un mirage lointain. Des outils comme ChatGPT restent inaccessibles dans de nombreuses parties du globe, et, lorsqu’ils sont disponibles, leur utilisation effective peut être entravée par un manque de bande passante ou, plus crucial encore, par une adaptation insuffisante aux particularités linguistiques et culturelles locales.
Les LLM, principalement entraînés sur des langues largement diffusées sur le Web, tendent à perpétuer les inégalités linguistiques existantes : la génération de textes en langues mondiales majeures telles que l’hindi ou le swahili souffre d’une qualité médiocre et d’un débit considérablement plus lent.
Des bibliothèques en quelques clics
Cette technologie risque de devenir un luxe hors de portée pour les moins bien lotis, les écartant encore davantage des frontières de l’économie du savoir mondiale et creusant un nouveau fossé numérique.
Pourtant, les grands modèles de langues pourraient incarner, vingt ans après la démocratisation du Web, une nouvelle révolution du libre accès. Imaginez le potentiel d’un agent conversationnel (ou chatbot), discrètement chargé dans le téléphone d’une fille afghane privée d’école, qui pourrait lui permettre de continuer à apprendre, de manière personnalisée et dans sa langue. Pensez à des enseignants, au Sénégal ou au Kenya, qui pourraient générer en quelques clics des bibliothèques de ressources pédagogiques et d’exercices pour leurs élèves. Ressources aujourd’hui tellement rares dans la majorité des écoles.
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