« Lorsque le pouvoir est très concentré, il faut que les lanceurs d’alerte soient encouragés et protégés »

« Lorsque le pouvoir est très concentré, il faut que les lanceurs d’alerte soient encouragés et protégés »


Il y a un an, plusieurs médias, dont Le Monde, publiaient les « Facebook Files », une série d’articles fondés sur les documents internes au réseau social, rendus publics par la lanceuse d’alerte Frances Haugen. Depuis, deux autres lanceurs d’alertes de haut niveau ont fait des révélations sur deux autres entreprises de la Silicon Valley, Uber (Mark MacGann) et Twitter (Mudge). Entretien avec Libby Liu, directrice de l’ONG Whistleblower Aid, qui a notamment fourni une aide juridique à Frances Haugen et à Mudge.

Historiquement, la plupart des lanceurs d’alerte venaient des milieux militaires, de la fonction publique, ou étaient des scientifiques dénonçant des scandales de santé publique. Depuis quelques années, ils se sont multipliés dans les grandes entreprises de la Silicon Valley. Est-ce que cela signifie que ces entreprises sont le nouveau centre du pouvoir ?

Libby Liu : Cela me semble clairement être le cas. Ces entreprises sont particulièrement importantes parce qu’elles ont un impact global : les décisions qu’elles prennent, et qui sont souvent le fait d’un tout petit nombre de personnes, ont des conséquences majeures sur la vie de milliards de personnes. Si vous êtes un employé d’une de ces entreprises, et que vous voyez qu’il s’y passe des choses qui vous mettent mal à l’aise, cela a un impact sur votre conscience. Et si vous constatez que quelque chose ne va pas, que votre entreprise a un comportement néfaste, vous êtes en position d’apporter de la transparence.

Lorsque le pouvoir est très concentré, il est très important que les lanceurs d’alerte soient encouragés et protégés. Les décisions prises par Facebook ont un impact y compris sur les gens qui ne sont pas sur Facebook ! Les révélations apportées ces dernières années auront, je l’espère, un impact sur la manière dont le grand public est informé, et lui permettront de prendre des décisions en connaissance de cause.

Frances Haugen, Mark MacGann ou Mudge ont été entendus par de nombreux régulateurs dans le monde. Est-ce que ces régulateurs comprennent ce qui se passe à l’intérieur de ces entreprises ?

Non, ils ont clairement trop peu d’informations. Il y a plusieurs raisons à cela, à commencer par un problème de moyens. Aux Etats-Unis, la FTC [Federal Trade Commission, régulateur américain du commerce] n’a qu’une infime partie des ressources dont elle aurait besoin pour réguler efficacement des entreprises qui, elles, ont des moyens similaires à ceux d’un Etat. Par ailleurs, les technologies sont très complexes et évoluent rapidement ; les régulateurs ont cruellement besoin d’une expertise technique de haut niveau.

Il vous reste 62.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.