Menacé d’interdiction aux Etats-Unis, TikTok contre-attaque en justice

Menacé d’interdiction aux Etats-Unis, TikTok contre-attaque en justice


TikTok a tenté, lundi 16 septembre, de convaincre un tribunal fédéral américain de l’inconstitutionnalité de la loi obligeant son propriétaire chinois à la céder, face à des juges circonspects.

Depuis que ce texte a été voté par le Congrès américain, en avril, le sort du réseau social, accusé de permettre aux autorités chinoises de collecter indûment les données des utilisateurs américains, est devenu un enjeu majeur du débat politique. La loi, promulguée par le président, Joe Biden, dispose que si la maison mère ByteDance n’a pas vendu TikTok d’ici au 19 janvier 2025, la plate-forme sera interdite sur le territoire américain.

Le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, s’oppose de son côté à toute interdiction de la très populaire plate-forme, après avoir lui-même tenté de l’interdire en 2020, à la fin de son mandat.

La liberté d’expression en débat

ByteDance, la maison mère de TikTok, a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de se séparer de sa précieuse application. Le recours en justice est donc sa seule option pour survivre aux Etats-Unis.

« Cette loi est sans précédent », a affirmé, en ouverture, l’avocat de TikTok, Andrew Pincus. « Pour la première fois, le Congrès a expressément visé un organe américain », a-t-il ajouté, en référence à TikTok USA, filiale du groupe aux Etats-Unis. Ce dernier argument n’a pas semblé convaincre les magistrats, qui ont rappelé que le groupe avait un actionnaire majoritaire chinois et évoqué une jurisprudence abondante pour des groupements ou des organisations interdits par le passé.

Les juges du district de Columbia ont aussi interrogé l’avocat du département de la justice américain, Daniel Tenny, sur la possibilité que l’interdiction de la plate-forme enfreigne le premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression. Ce dernier a répondu que TikTok étant contrôlé par une entreprise chinoise, la protection de la liberté d’expression telle que définie par le droit américain ne pouvait lui être appliquée.

« Après avoir écouté les présentations liminaires, je suis convaincu que ce dossier va finir devant la Cour suprême », a commenté Sarah Kreps, professeure à l’université de Cornell, citée par l’Agence France-Presse. « Les juges ont eu l’air sceptiques vis-à-vis des arguments de TikTok, a-t-elle observé. Mais ils ont aussi soulevé des questions importantes sur le premier amendement et l’influence étrangère (…) auxquelles on n’a pas apporté de réponses claires. »

« Coquille vide »

TikTok affirme que « la Constitution est de notre côté », ajoutant que la loi ferait taire les voix de 170 millions d’Américains. « Il ne fait aucun doute que la loi entraînera la fermeture de TikTok d’ici au 19 janvier 2025 », plaide l’entreprise dans son recours, « réduisant au silence ceux qui utilisent la plate-forme pour communiquer d’une manière qui ne peut être reproduite ailleurs ». TikTok a également fait valoir que, même si la cession était possible, l’application « serait toujours réduite à une coquille vide, dépourvue de la technologie innovante qui adapte le contenu à chaque utilisateur ».

Le gouvernement américain rétorque que la loi porte sur des questions de sécurité nationale et non sur la liberté d’expression et que ByteDance ne peut se prévaloir des droits protégés par la Constitution. Les Etats-Unis estiment que ByteDance peut avoir à se conformer aux demandes du gouvernement chinois pour obtenir des données sur les utilisateurs américains. Les autorités américaines affirment aussi que le groupe acquiesce à des pressions pour censurer ou promouvoir certains contenus sur la plate-forme. TikTok nie ces accusations.

Les décrets de 2020 pour interdire TikTok de l’ancien président Donald Trump ont été bloqués par un juge fédéral, qui avait évoqué des raisons probablement exagérées et une violation potentielle du droit à la liberté d’expression. Depuis, le milliardaire républicain, très remonté contre Meta (Facebook, Instagram) et les autres grandes plates-formes qui l’ont temporairement banni pour incitation à la violence à la suite de l’assaut du Capitole, en 2021, a changé d’avis. « Pour tous ceux qui veulent sauver TikTok en Amérique, votez pour Trump », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée la semaine dernière.

Le Monde avec AFP

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