La contestation était attendue : le champion américain des réseaux sociaux Meta et son rival chinois TikTok ont, tous deux, déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de remettre en cause de nouvelles règles établies dans le cadre du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA).
Au début du mois de septembre, la Commission a, en effet, désigné 22 plates-formes numériques comme étant des « contrôleurs d’accès » (ou « gatekeepers »), c’est-à-dire des entreprises dépassant 7,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans l’Union européenne (UE) ou 75 milliards d’euros de valorisation boursière. Ce statut a pour effet de les soumettre à partir du 6 mars au DMA, qui instaure de nouvelles règles, plus strictes, censées permettre d’endiguer les pratiques anticoncurrentielles dans l’écosystème numérique.
Parmi ces 22 services, on retrouve les acteurs incontournables du Web : les réseaux sociaux Facebook et Instagram, ainsi que les messageries WhatsApp et Messenger, toutes propriétés du groupe Meta ; les systèmes d’exploitation Android et Windows ; les navigateurs Chrome et Safari ; le moteur de recherche de Google… Tous ces outils appartiennent à six grands groupes spécialistes des technologies : Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft et le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok.
« Clarifier des points de droit »
Le DMA leur impose un carcan d’obligations et d’interdictions, supervisées par la Commission, qui entend ouvrir davantage ces marchés à la concurrence. Le texte doit notamment les obliger à appliquer l’interopérabilité entre services concurrents et faciliter la désinstallation d’applications préinstallées. Il contraindra, par exemple, Apple à autoriser d’autres boutiques d’applications que l’Apple Store sur ses iPhone ou iPad. Il interdira tout favoritisme dans les résultats des moteurs de recherche ; un reproche qui a notamment été fait à Google en faveur de son site de vente en ligne Google Shopping. Les entreprises en infraction s’exposeront à des amendes pouvant atteindre 20 % de leur chiffre d’affaires mondial en cas de récidive, voire à des mesures de démantèlement dans les cas les plus graves.
Mais, sans surprise, la législation fait déjà l’objet de recours en justice, qui ne sont probablement qu’un avant-goût de futurs litiges sur l’interprétation des textes. Ainsi, Meta a annoncé mercredi 15 novembre au soir qu’il contestait devant la CJUE la désignation de sa messagerie instantanée Messenger et de sa place de marché Facebook Marketplace dans le périmètre de la nouvelle loi. « Ce recours […] ne modifie ni ne diminue notre engagement ferme à nous conformer au DMA », a toutefois déclaré un porte-parole de Meta.
TikTok a, de son côté, annoncé jeudi qu’il allait attaquer en justice sa désignation, se voyant comme un acteur émergent, de nature à contester les positions dominantes des géants américains. « Notre désignation risque de compromettre l’objectif déclaré de la loi sur les marchés numériques en protégeant les plates-formes dominantes des nouveaux concurrents tels que TikTok », a écrit l’entreprise sur son site Web. Cette désignation « repose sur une incompréhension fondamentale de notre activité (…) elle risque de protéger ces mêmes monopoles que la loi entendait contester », a-t-elle ajouté. Les groupes concernés avaient jusqu’à ce jeudi pour former un recours.