Mettre en avant le caractère violent et amoral de son jeu pour qu’il devienne populaire, la stratégie « GTA »

Mettre en avant le caractère violent et amoral de son jeu pour qu’il devienne populaire, la stratégie « GTA »


Retrouvez tous les épisodes de la série « GTA et le rêve américain » ici.

Ce 20 mai 1997, les membres de la très protocolaire Chambre des lords ont à traiter d’un sujet plutôt inhabituel : un jeu vidéo. Lord Campbell of Croy a soumis une question écrite au gouvernement de Sa Majesté : compte-t-il faire quelque chose pour contrer la sortie, plus tard cette année, du « jeu sur ordinateur Grand Theft Auto » ? Le vénérable Lord, ancien secrétaire d’Etat, héros de la seconde guerre mondiale et figure du Parti conservateur, est inquiet. Il a entendu dire que « ce jeu comporte des vols de voitures, des rodéos urbains, des accidents provoqués volontairement, qu’on peut y être poursuivi par la police, et que rien n’empêche que ce jeu soit vendu aux enfants ».

Lord Williams of Mostyn, porte-parole du gouvernement travailliste de Tony Blair, qui vient à peine d’entrer en fonctions, a entendu la même chose et le rassure : le jeu devra être soumis à l’organisme de classification britannique des films et pourra donc être interdit de vente aux mineurs. La presse tabloïd s’emballe aussitôt, Daily Mail en tête. Mais d’où Lord Campbell of Croy, 76 ans à l’époque, qu’on imagine difficilement lecteur assidu de la presse spécialisée jeux vidéo, tirait-il ces informations très précises sur GTA, produit par un petit studio, DMA, et qui ne sera commercialisé que six mois plus tard ?

« Interdisez ces jeux malfaisants » : une du tabloïd « Daily Mail » en 2004.

Il avait tout simplement reçu ce tuyau… des développeurs eux-mêmes. Comme l’a détaillé dans son livre Jacked. L’histoire officieuse de GTA (Pix’n Love, 2012) le journaliste américain David Kushner, DMA avait opté pour un plan marketing audacieux. Plutôt que de faire profil bas, le studio a validé une stratégie contre-intuitive consistant à mettre en avant le caractère violent et amoral de son jeu, pour s’assurer qu’il fasse les gros titres.

« Le succès de GTA, c’est Max Clifford qui l’a permis », dira, des années plus tard, Mike Dailly, le co-concepteur de GTA. Max Clifford, auquel BMG, distributeur de GTA, a confié le marketing du jeu, c’est un consultant en communication aux méthodes radicales, un de ces « spin doctors » qui resteront comme l’un des emblèmes des années Blair outre-Manche. Clifford multiplie les provocations, avec la bénédiction des développeurs. La question de Lord Campbell of Croy est réutilisée dans des spots publicitaires à la radio. Lorsque Brian Baglow, l’un des créatifs de DMA, a un petit accident de la route et abîme sa voiture contre un arbre, Clifford fait fuiter l’histoire – considérablement enjolivée – à News of the World. Le tabloïd titrera : « Le patron d’un jeu de voitures révoltant interdit de conduire ». « Vous croyez que News of the World aurait fait un article [sur GTA] juste parce que c’était un super jeu vidéo ? Pas moi », se justifiera, par la suite, Max Clifford.

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